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Urbex - La maison Marenych

Nous avons reçu les photos d'un voyageur et nous en avons fait la synthèse historique.

Voici une visite d’une maison abandonnée : la maison Marenych. Elle est nommée de la sorte en référence à un disque 33 tours gisant sur place, du Trio Marenych. Nous ne localisons pas précisément cette maison dans le documentaire ; certes elle est complètement pulvérisée, mais bref pour le voisinage, ce n’est pas la peine d’en rajouter une couche.

Il s’agit de l’ancienne maison de Michel, ainsi que de son frère Jean. Nous ne possédons que peu de sources solides quant aux parents. Théodore (1932-1998) se marie avec Monique (1938-2012). Ils ont trois enfants : Michel né 1955, Jean né 1957, Stéphane né en 1963. Michel décède en 2008 à 52 ans. Jean décède en 2016 à 59 ans. Stéphane décède en 1987 à 24 ans.

Les parents sont slaves. La mère est polonaise originaire de la voïvodie de Lublin. Le père est ukrainien de nationalité, polonais de langage. La guerre soviéto-polonaise de 1919-1921 a engendré un exode massif des polonais qui étaient localisés dans les oblasts de la voïvodie de Volhynie et la voïvodie de Lwów ; Monique en provient. Le contexte du père, c’est l'occupation soviétique de la Pologne orientale début des années 1940, qui a engendré déportation massive des Polonais vers la Sibérie et d'autres régions orientales de l'URSS, ainsi qu’une campagne de nettoyage ethnique systématique menée par la UPA, l'armée insurrectionnelle ukrainienne.

Enfant début des années 1940, 8 ans possiblement, le père Théodore fuit les répressions et les massacres féroces. Il se retrouve à Ujkowice, à un petit jet de pierres de l’autre côté de la frontière, région pourtant annexée par l’URSS. Il rencontre Monique, polonaise, de son vrai prénom Monika. (Théodore quant à lui s’appelle Teodor en ukrainien).

Courant 1942, fuyant l’Aktion Reinhard à Lublin, ils arrivent dans les Cévennes. Que fait-on quand on est immigré, ne parlant pas le français et se trouvant dans une situation de besoin criant ? Il travaille à la mine de charbon. De l’union naissent trois enfants, Michel, Jean et Stéphane. Ce dernier partira très tôt.

La maison Marenych fait penser à un petit pécule amassé. Teodor vivait plus que probablement dans des baraquements, en tout cas dans les temps suivant la seconde guerre mondiale. Les besoins sont très urgents en vue de la reconstruction. Puis au fur et à mesure, le couple a pu faire construire cette maison, qui cela se voit, est faite de rajoutes, ce notamment parce que des niveaux de sols ne sont pas identiques à l’étage. La chambre sombre surplombe une annexe de garage en rajoute.

Ce qui m’a été fait remarquer : il n’y a ni toilettes ni salle de bains. Était-ce dans la toute petite « annexe de rien du tout » accolée au pseudo-garage ? Comme on fonctionne par rajoutes, c’est amplement plausible que la fonctionnalité ait été accolée – qu’en savons-nous – en 1970 par exemple. En tout cas aujourd’hui on n’en retrouve plus rien.

La maison est globalement d’une architecture pauvre, voire très pauvre. Lorsque les enfants grandissent, les parents partent à une quinzaine de kilomètres, vers un lieu concentrant pas mal des anciens polonais de la mine. Fait curieux que ce soient eux qui partent, mais en tout cas il est attesté que parents et fils cadet y décèdent.

Jean s’installe à quelques centaines de mètres, tandis que Michel reste. On devine une vie modeste, au vu du nombre important – pour ainsi dire systématique – de factures impayées. Une de France télécom, pour 14 francs. Et qu’est-il de cette curieuse particularité de stocker de l’eau en bouteilles, en une certaine quantité ? Je mourrais de chaud, trop mal équipé. J’avoue que j’ai pensé à la boire, mais sérieusement je me suis abstenu !

Michel travaillait comme ouvrier de manœuvre dans un laboratoire d’analyses médicales. La vie n’a pas forcément dû être rose tous les jours, on trouve trace de nombreux courriers de l’ANPE, des lettres de demandes d’emploi. Il écrivait bien, avait une bonne formulation. On trouve une unique photo de lui, au camping La Bastiane, à Puget-sur-Argens dans le Var.

Michel aimait les 33 tours de guinguette et de musette, dont un nombre étonnant de disques identiques à Jeannine, de l’ex-maison aux Nains. Toute une époque !

Il s’unit avec Victoire, dont nous n’avons aucune donnée biographique, tout simplement parce qu’elle ne s’est (plus que vraisemblablement) pas mariée ; on soupçonne un décès fin des années 1990. Nous pouvons faire imagination que Jean quitte le foyer lors du mariage de Michel, afin de laisser place au couple. Les anciens cours de collège des années 80 furent ceux de Stéphane, le dernier de la fratrie ; tout à ce point précieux – tant ils n’ont rien, que c’est gardé.

Michel part tôt au paradis, sans que nous ne sachions pourquoi. La maison est vacante en 2008, tout en estimant probablement que Jean y garde un œil de temps en temps. La maison est abandonnée en 2016 au décès de Jean. Nous faisons la supposition de l’absence d’enfant et dès lors d’une succession vacante, faisant courir les héritiers aux confins de la Pologne et de l’Ukraine. On s’est compris.

La maison ne possédant pas un voisinage réellement proche, elle a subi un vandalisme d’une férocité totale. Tout est pillé. Une piste a été tracée devant, afin de renouveler des pylônes, mais tout reste bel et bien dans un état d’abandon total, ainsi que dans une situation d’oubli, un livre refermé sur le destin acre de ces personnes.

 



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