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Traité
des Arènes, construites au Pays de Liége, pour l'écoulement
et l'épuisement des eaux dans les ouvrages souterrains des exploitations
de mines de houille, par Mr De Crassier, membre des états de la province
de Liége, publié en 1827 chez C.A. Bassompierre, imprimeur de la
Régence.
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TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER
Des
arènes.
§ i Origine des
Arènes.
§ ii Construction des Arènes.
§ iii Ce qu'on
entend par Pourchasses et Rotices des Arènes.
§ iv Comment se sont
formés les districts et les limites des Arènes.
§ v Avantages
et bénéfices des Arènes.
§ vi Désignation
des Arènes et des Arènes franches.
§ vii Des abattemens
et communications.
CHAPITRE II
Des
Arèniers.
§ i Des titres,
droits et prérogatives des Arèniers.
§ ii Du cens d'Arène.
§
iii Droits des Arèniers maintenus par les lois actuelles.
§ iv
Les Arèniers sont-ils dans l'obligation d'entretenir les Arènes?
CHAPITRE
III
Des exploitants.
§ i Origine
des titres des Exploitants.
§ ii Moyens employés par les Exploitants
pour s'affranchir du cens d'Arène.
§ iii Atteintes et dommages
causés aux Arènes.
§ iv Des contestations actuelles entre
les exploitants et les Arèniers.
§ v Utilité des Arènes
aux pompes à vapeur.
CHAPITRE
IV
De la cour des Voir-Jurés.
§ Unique. De la cour des Voir-Jurés du Charbonnage.
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AVANT
PROPOS.
Dans son action destructive, le temps n'eut jamais d'auxiliaire plus
actif que les révolutions, celles-ci font disparaître les ruines
qu'il a laissées debout et effacent de la mémoire des hommes les
traditions les plus utiles. Bien que de nos jours, les tribunaux aient retenti
et retentissent encore des discussions élevées entre les exploitants
des mines de houille et les propriétaires des arènes, néanmoins
la matière de ces discussions paraît être généralement
inconnue : elle est presque totalement étrangère aux intéressés
et les exploitants, qui pourraient le mieux en discourir avec connaissance de
cause, se refusent à reconnaître l'évidence des faits parce
que leurs intérêts privés s'y trouvent plus ou moins engagés.
L'Utilité constante et perpétuelle des arènes, les droits sacrés et irrévocablement concédés à ceux qui les ont construites, à leurs successeurs ou ayant cause, le refus des exploitants de reconnaître ces droits, les moyens généralement employés pour se soustraire aux prétentions légales des Arèniers, toutes ces considérations m'ont déterminé à entreprendre cet opuscule. Puisse-t-il produire quelque rectitude dans les idées que l'on s'est formées des arènes et des droits des arèniers! Puisse-t-il surtout concourir à faire jouir des administrations de bienfaisance de la ville de Liége, co-propriétaires de plusieurs arènes, d'une portion intéressante du patrimoine de l'indigence! Ce fût en vain que pour arrêter et prévenir les procédures dispendieuses qui éclatèrent de toute part entre les administrations de bienfaisance de la ville de Liège, propriétaires d'Arènes, et les exploitants de houille, les ci-devant préfets tentèrent de concilier les différens en persuadant les exploitants de servir le cens d'Arène. L'obstination prévalut, les actions s'accumulèrent et les exploitants, forcés dans tous leurs retranchemens, dans tous leurs moyens de défenses, s'adressèrent sans succès au Gouvernement français puis au Gouvernement belge pour se soustraire à l'effet des condamnations prononcées contre eux.
Autant que qui que ce soit, je partage l'intérêt dû à ceux qui se livre à l'exploitation des mines d'après des plans conçus et exécutés dans l'intérêt de la société : mais cet intérêt a nécessairement ses limites, et là, se trouve la première borne où commence la loi des contrats, où se rencontrent les droits des tiers. Je n'avancerai rien dans cet ouvrage qui ne soit appuyé sur les lois, les usages, la jurisprudence, les édits et les records qui régissaient les travaux des mines de houille au Pays de Liége. J'ai conservé les mots techniques dont font journellement usage les mineurs Liégeois (houilleurs) : non-seulement il m'eût été difficile pour ne pas dire impossible, de les remplacer convenablement, mais j'eusse infailliblement diminué le haut intérêt dû aux exploitations de mines de houille du pays de Liége. Mr. Cordier, savant distingué de la France, me fit un jour observer que le mineur liégeois, est le seul qui ait son dictionnaire, le seul qui ait des mots propres aux travaux d'extraction. En effet il chercherait en vain dans les autres langues, dans les autres idiomes, des mots semblables ou même analogues pour rendre l'objet de sa pensée, expliquer ses travaux et indiquer les ouvrages qui s'exécutent dans la mine. Quelle similitude en effet, quelle analogie peut-il exister entre Arène et galerie d'écoulement, mot dont on se sert communément, pour rendre en français celui d'Arène? Certes aucune, absolument aucune. Il s'en faut de beaucoup, que les mots : arènes et galeries d'écoulement soient synonymes, ma pensée éprouve un vide immense, lorsqu'embrassant le mot arène dans toute l'étendue de l'acception, on le remplace par celui de galerie d'écoulement. Celui-ci, n'est propre qu'à la partie de l'arène, depuis son oeil jusque aux points où elle pénètre dans les couches des mines, cette partie est celle que le mineur liégeois appelle Mahais de l'arène. J'ai divisé ce travail en quatre chapitres : le premier traitera des arènes, le second des arèniers et de leurs droits, le troisième des exploitants, de leurs titres et des contestations entre eux et les arèniers, le quatrième de l'ancienne cour du Charbonnage dite des Voir-Jurés. Chaque chapitre sera divisé en autant de sections que le comportera la matière.
CHAPITRE
PREMIER
Des arènes.
§
PREMIER - ORIGINE DES ARÈNES
En faisant remonter au 12° siècle,
l'extraction et la consommation de la houille au pays de Liége, les historiens
anciens et modernes ont prétendu rapporter la découverte de ce charbon
fossile, les uns à l'indication d'un Ange, Angelus, les autres aux notions
d'un Anglais Anglus, ceux-ci à un maréchal ferrant nommé
Hullio, ceux-là à des suppositions étymologiques : mais n'en
a-t-il donc pas été de la découverte de la houille comme
de toutes les découvertes, où le génie de l'homme est toujours
étranger et dont le hasard fait tous les frais. Au lieu de chercher des
causes surnaturelles, de faire des suppositions plus ou moins gênées,
pourquoi ne pas voir la mine présenter son front à la superficie
? pourquoi ne pas la voir, selon l'expression du mineur liégeois, Soper
au jour ? en cet endroit, elle se présente à nu, aucune plante végétale
ne la couvre : un pâtre y voit une place nette, il la choisit pour y faire
un feu. La houille s'allume, et sans recourir au merveilleux le pâtre a
découvert simultanément et la mine et l'usage qu'il peut en faire.
Un maréchal ferrant, chaufferait, façonnerait le fer, serait occupé
toute sa vie dans ses travails, qu'il ne découvrirait pas la mine de houille.
Si les savoyards chaudronniers eussent au 12° siècle parcouru l'Europe,
rien de plus naturel que de les voir choisir une place nette sur le front d'une
couche de houille pour y établir leur feu, leur soufflet et leur atelier.
Et dans ce cas ils pourraient contester non seulement au pâtre liégeois,
mais à nos merveilleux historiens, l'honneur de la découverte.
Revenons à l'époque connue des extractions, c'est-à-dire au 12° siècle. Alors nulle notion sur la disposition, le nombre et la capacité des couches, ce dût être moins une extraction qu'un pillage des veines supérieures. Alors nul autre moyen d'exploitation qu'un puits qu'il fallait abandonner lorsque les travaux étaient parvenus au point où le mineur manquait d'air. On conçoit que ces travaux exécutés sans art, sans connaissances, sans prévoyance aucune, ont laissé après eux des vides souterrains que les eaux ont dû successivement remplir. Un siècle s'était à peine écoulé, que les eaux déjà se trouvaient suspendues sur la tête des malheureux mineurs, et rendaient les mines inaccessibles de toute part. Dès le treizième siècle, le gouvernement et les exploitants eux-mêmes, reconnurent l'urgence et la nécessité de se débarrasser des eaux qui inondaient les travaux souterrains. Les cris de détresse des consommateurs fit de cette nécessité une loi suprême. Dans ces circonstances critiques, le gouvernement liégeois n'invoqua pas en vain le patriotisme des capitalistes, ceux-ci se dévouèrent et des arènes se construisirent dans les divers districts houillers sans qu'il en coûta une obole ni au gouvernement ni aux exploitants.
§
II CONSTRUCTION DES ARÈNES.
Une arène se construit d'autorité
de justice au plus bas niveau possible de la superficie, de manière cependant
qu'à son embouchure les eaux qui en découlent puissent se jeter
dans la Meuse ou dans le ruisseau le plus proche. Commencée à son
oeil (embouchure), l'arène est poussée jusqu'à la mine qui
se présente la première, en observant l'inclinaison nécessaire
à l'écoulement des eaux. Ce point de rencontre s'appelle Steppement.
Dans l'étendue plus ou moins grande de l'oeil au Steppement, il fallait
non seulement traverser les propriétés particulières, creuser
des puits de distance en distance pour procurer l'air aux travailleurs et en tirer
les débris, percer des rocs vifs et pénétrer enfin dans les
entrailles de la terre, mais il fallait encore lutter contre les caprices, les
tracasseries, la cupidité et la jalousie des hommes. Avec les uns il fallait
composer, transiger, avec les autres agir d'autorité de justice : car l'intérêt
privé cède rarement à la persuasion. L'arène étant
construite depuis son oeil jusqu'au Steppement, l'arènier avait rempli
sa tâche et se trouvait ipso facto en titre de jouir des droits, prérogatives
et privilèges de priorité que lui avaient promis, garantis et assurés,
les lois du pays, les édits du Prince et la reconnaissance publique.
La construction des arènes a exigé des capitaux qui aux treizième, quatorzième et quinzième siècles n'étaient point à la disposition du commun des hommes. Aussi, dès 1439 le tribunal des échevins de Liége déclare que ceux qui avaient enlevé arène et avant bouté l'avaient fait à leur très grands coûts et dépens. Il résulte d'un rapport des Voir-Jurés du charbonnage en date du 13 septembre 1740, que l'arène de St-Hubert à Tilleur est de 407 1/2 toises de sept pieds d'étendue donc de 2854 pieds et demi et qu'elle a 29 1/2 pieds de profondeur. L'arène de Richonfontaine a son niveau à 68 mètres ou 232 pieds de la surface dans la bure et les ouvrages actuels de la plomterie. L'arène Blavier qui a son oeil à la Meuse à Jemeppe et qui, à un gros quart de lieue de cet oeil, montre son niveau à la houillère du Groumet, est à 40 toises ou 280 pieds de la surface. Ces citations suffisent pour démontrer pleinement que l'entreprise des arènes n'étaient point à la portée du plus grand nombre. Aussi vit-on figurer, parmi les arèniers primitifs, non seulement les Princes de Liége, les bourgmestres et les plus riches notables de la ville, mais encore les plus riches abbayes du pays. Afin que les arèniers ne pussent mutuellement se porter préjudice, afin qu'ils pussent recueillir respectivement les fruits de leur dévouement, afin surtout d'empêcher les exploitants de porter préjudice à leurs droits, à leurs prérogatives, chaque arène avait son district particulier et circonscrit, soit par les failles (roches qui, de la profondeur s'élançant à la superficie, coupent toutes les couches et rompent leurs marches,) soit par les serres que les arèniers mettaient en réserve sous la Sauvegarde des Lois, pour la défense, la sûreté et la conservation des arènes. Dans ce dernier cas, usant des droits que leur offrait la législation et notamment l'art. 2 de la Paix de St. Jacques, ils s'assuraient à l'extrême limite de leur arène, ou bien, à la dernière pièce de leur acquet, des massifs de houille auxquels il était sévèrement interdit de toucher. Si chaque arène n'eût eu que son domaine exclusif, s'il eût été loisible à chacun d'ouvrir à quelque distance en aval, l'oeil d'une nouvelle arène et y abattre les eaux de la première, quel eût été le capitaliste qui se fût livré à une entreprise aussi dispendieuse pour se voir enlever la récompense de son dévouement et se voir spolier d'une manière aussi déloyale ?
§ III
POURCHASSES ET ROTICES DES ARÈNES.
L'arène poussée ou
parvenue au Steppement, c'est-à-dire, jusqu'à la mine où
s'établit son niveau, se poursuit dès lors en oeuvre de veine et
est progressivement conduite d'un bure à l'autre, soit par des xhorres
soit par les vides des extractions mêmes. En attaquant la mine à
laquelle l'arène est venue aboutir, toutes les eaux qui l'inondaient ou
qui pesaient sur elle, ont dû au fur et à mesure qu'on leur donnait
ouverture, se précipiter sur l'arène. C'est ainsi que s'est établi
progressivement pour tout le district houiller d'une arène, un seul et
unique niveau. Ce niveau est appelé par les mineurs, mer d'eau. Cette mer
d'eau se présente dans tous les bures et dans tous les ouvrages, elle s'étend
au fur et à mesure que les extractions avancent. Une communication imprudente
amène-t-elle un volume d'eau assez considérable pour hausser les
eaux, l'arène les recevra toutes et bientôt elles seront réduite
à son niveau. D'après ce qui vient d'être dit, on pourrait
croire peut-être que l'arènier n'a droit à exercer que sur
son arène, et que son domaine finit là où son Steppement
commence, certes, il n'en est pas ainsi : mais avant de parler de ses droits et
de ses prérogatives, il est indispensable d'exposer ce qu'on entend par
pourchasses et rotices d'arène.
L'article 1er de la Paix de St-Jacques, en date du 5 avril 1487, adjuge toute l'arène à celui qui l'a commencée. L'art. 2 tient pour arène toutes ses eaux pourchasses et rotices. L'art. 10 du record de la cour du charbonnage du 30 juin 1607 fait connaître ce qui forme la suite et la propriété de l'arène et en déduit ainsi les motifs : "Il est vérité que, selon les règles et observances de toute ancienneté tenue en houillerie, les vuids ouvrés et vacuités avec tous les ouvrages faits par le moyen et bénéfice d'aucune arène, sont tenus et réputés, entre vrais connoisseurs houilleurs, pour limites, pourchasses et rotices d'icelle arène, laquelle servirait ou aurait servi de la cause mouvante et efficiente les dits ouvrages et vuids, sans laquelle arène, tels vuids et vacuités n'auraient pas été faits." Il suit delà que tous les vides et excavations, que tous les ouvrages souterreins, quelle qu'en ait été la nature et l'objet, formés, pratiqués, exécutés par ou pour l'extraction de la couche de houille où gît la mer d'eau, sont devenus, par droit d'accession, la propriété de l'arènier, que ces vides, que ces excavations forment le plateau dominant l'arène, que plus les extractions augmentent plus l'arène acquiert d'importance et procure bénéfice, et qu'enfin c'est à l'arène que se rapportent tous les ouvrages qui, sans elle, n'eussent pu être entrepris ou poursuivis.
Il est utile de faire observer ici que ce n'est pas seulement en poursuivant les travaux qui ont commencé au Steppement que le domaine de l'arène s'accroît par droit d'accession, mais bien aussi lorsque des travaux commencés à une distance plus ou moins grande sont mis en communication avec elle par des xhorres ou galeries ou même par de simples percemens. Je suppose par exemple une exploitation que l'on a entreprise à mille aunes du point le plus rapproché où puisse se rencontrer le niveau de l'arène, et qu'à cette distance l'on veuille se mettre en communication avec l'arène pour y décharger ses eaux : à cet effet, et après en avoir obtenu l'autorisation, on construit une 'xhorre' au moyen de laquelle on abat sur l'arène les eaux qui portaient obstacle aux travaux. Dès-lors cette xhorre et tous les ouvrages qui l'ont précédée et qui en seront la suite, s'unisse également à l'arène par droit d'accession et ne forment avec celle-ci qu'un seul et même tout.
Cette
disposition, aussi sage, aussi juste qu'elle peut paraître étrange
aux personnes peu versée dans la matière, est toutefois bien en
harmonie avec l'article 546 du Code civil qui nous régit. "La propriété
d'une chose soit mobilière soit immobilière, donne droit sur tout
ce qu'elle produit et sur ce qui s'y unit soit naturellement, soit accessoirement."
Ici le droit d'accession ne dérive pas d'un cas fortuit, il est une conséquence
nécessaire des avantages que la communication à l'arène va
procurer aux exploitants en particulier et à la société en
général.
Pour d'autant mieux concevoir ce qu'on entend par Vuids
ouvrés, Vacuités, Limites pourchasses et Rotices d'une arène,
il faut d'abord se former une idée bien nette des mines de houille et de
leurs couches.
Dans tous les plans, ces couches sont figurées par des lignes noires plus ou moins larges et proportionnelles à leur épaisseur : ces lignes peuvent faire supposer à bien des personnes que les mines de houille sont disposées en filon qui, tantôt horizontalement (platteur) tantôt obliquement (demi Roisses) tantôt perpendiculairement (Roises) parcourent les entrailles de la terre. Il n'en est nullement ainsi : les mines de houille, comme la couche végétale à la surface du terrain sous lequel elles gissent, sont les unes envers les autres dans un état de superposition relative : séparées à des profondeurs inégales par des couches de roches, elles ont comme la surface du terrain, la même longueur, la même largeur, de sorte qu'un bonnier des Pays-Bas à raison de 100 perches carrées, donne également à chaque couche de mine qu'il renferme, cent perches carrées de surface à moins que l'inclinaison de la couche ne fût toute ou presque toute perpendiculaire. Il suffit donc de connaître la quantité de couches et leur épaisseur pour calculer ce que renferme un bonnier de cette richesse minérale. Ainsi une couche de deux aunes d'épaisseur, dans un pendage de plateur, donnera elle seule par bonnier 20000 stères de charbon. Ces 20000 stères de charbon, à raison du 80ième du produit brut pour droit de terrage, auraient donné au propriétaire de la superficie, 250 stères qui, à raison seulement de 9 fls Pays-Bas le stère, auraient produit 2250 fls Pays-Bas : cette somme de 2250 fls. à trois pour cent, taux de l'intérêt des biens fonds, donnerait pour une seule veine un revenu annuel de fls. 67-50 cents.
Toutefois plusieurs considérations portent à réduire ce calcul : d'abord une couche ne peut être totalement exploitée si ce n'est alors que l'exploitation tire à sa fin. Il est nécessaire d'y laisser des massifs et des piliers pour le soutien du toit et la conservation des accès. En second lieu, là où les mines sont à pendage de Roises, là où les failles et crains interrompent leur marche, là enfin où elles commencent et se perdent, toutes ces circonstances exigeraient un nouveau calcul, qui serait très certainement inférieur en résultat. Il faut de plus observer que, sous le régime liégeois, l'indemnité n'était due, n'était exigible qu'à l'extraction, tandis qu'aujourd'hui elle se paie toujours soit qu'on exploite pas ou qu'on exploite sous le terrain du propriétaire.
Cependant si l'on applique à une concession de 4 à 5 cents hectares et plus, et qu'on étende aux vingt-trois couches découvertes, le calcul que j'ai ci-dessus établi, on aura peine encore à se convaincre que l'indemnité stipulée aux actes de concession au profit des propriétaires de la superficie ait été portée au taux où elle eût pu être portée sans préjudicier aux exploitations. Ce qui semble démontrer que les calculs n'ont point été établis sur des bases fixes, c'est que l'on voit des actes de concession n'imposer que cinq cents par bonnier et d'autres en imposer 10 à 25. La quantité et la richesse des mines ont pu sans doute déterminer une différence plus ou moins forte dans la fixation de l'indemnité, mais en rapprochant les diverses concessions obtenues, on se convaincra aisément que tel n'a pas été le motif et que cela a dépendu de l'offre plus ou moins généreuse faite par les exploitants dans leur demande de concession.
De ces diverses observations resssortissent deux faits qui paraissent ne point avoir subi de degré d'examen dont ils étaient susceptibles : le premier est que dans l'étendue d'un bonnier sous lequel s'exploitent ou peuvent s'exploiter 20 à 23 couches, le produit comme le bénéfice des extractions est hors de toute proportion avec la redevance exigüe établie par les actes de concession pour indemniser les propriétaires qui, d'après une législation de plusieurs siècles, jouissaient, et par titre et par droit du 80ieme, du produit brut des extractions, le second c'est que ce quatre-vingtième ne pouvait sous aucun rapport, ce semble, être considéré comme une charge onéreuse aux exploitants. Enfin si comme on le suppose assez communément, la mine de houille n'eût été qu'un filon, il y a longtemps qu'il n'en existerait plus que dans une profondeur où les moyens de l'homme ne permettraient pas de pénétrer. Les extractions durent depuis six siècles ou plus. La plus grande profondeur qu'il ait été possible d'atteindre jusqu'ici est de 412 mètres environ, mais tant s'en faut qu'il faille atteindre cette profondeur pour rencontrer des couches à peine entamées. Les eaux en ont plus conservé que les exploitants en ont pu extraire.
Après cette digression nécessaire, je viens au mot Pourchasses, j'ai dit que le gissement des couches étaient horizontal à la superficie : il ne faut cependant pas en induire que ce gissement soit complètement régulier. Les couches suivent entre elles une direction parallèle : mais dans leur marche tantôt elles s'enfoncent plus où moins perpendiculairement dans la profondeur, tantôt elles se relèvent de même pour remonter à la superficie. Alors il arrive que l'arène se trouve du moment même arrêtée dans sa pourchasse. Pour lui procurer cette pourchasse et donner à la mer d'eau tout son développement, on pratique dans les bancs de pierre des bacnures ou petits aqueducs au moyen desquels le niveau ou la mer d'eau se communique d'une couche à l'autre. On obtient parfois le même résultat au moyen de la sonde. Ces bacnures et trous de sonde constituent ce que l'on appelle Rotices de l'arène. Rotices, dit Louvrex : "sont les routes de l'arène, ce qui comprend tous les endroits où elle reçoit sa nourriture et son accroissement." Or depuis l'oeil de l'arène jusqu'à 'la dernière pièce des acquets de l'arène, (ainsi s'exprime l'art. 2 de la Paix de St. Jacques) et jusqu'aux parages de l'arène voisine, les vuids ouvrés, les vacuités, les pourchasses et rotices, constituent l'arène proprement dite.
§4.
DISTRICTS ET LIMITES DES ARENES.
On appelle Serre cette portion de veine qui,
en vertu de l'art. 2 de la paix de St. Jacques, faisait la propriété
acquise des arèniers et à laquelle il était sévèrement
interdit de toucher, afin que les eaux ne fussent abattues d'une arène
à l'autre au préjudice des arèniers et sans autorité
de justice. Les exploitants ou plutôt les ouvriers mineurs disent communément
telles arènes sont séparées par de telle et telle Serre,
telle fosse est établie dans les limites d'une telle telle arène.
L'art. 2 de la paix de St. Jacques dit : "que quiconque a, ou aura ses arènes
menées d'ici à la dernière pièce de ses acquets, il
peut, pour la dite arène sauver, retenir tant de charbon que la dite arène
soit sauvée." Pour être suffisante, une serre devait avoir 40
ou 50 poignées d'épaisseur (13 à 17 pieds). Ces serres sont
à la mer d'eau de l'arène, ce qu'est une digue à la superficie
: c'est à cette digue que l'arène se termine, c'est jusque là
que s'étend son domaine, c'est encore là où toute communication
ultérieure, au préjudice de l'arène, est un attentat non-seulement
envers l'arènier, mais envers la société entière.
Dans le rapport de la commission au corps législatif de la France sur l'art.
29 de la loi du 21 avril 1810, le mot serre est remplacé par celui Desponte.
L'arène Blavier, qui au moyen d'une galerie d'écoulement (ici le
mot galerie reçoit sa véritable acception) a sa décharge
dans la Meuse à Jemeppe et qui a pour collatérales les deux arènes
d'Ordenge et Falloise et Borret, la première à l'occident qui lui
est supérieure, la seconde à l'orient qui lui est inférieure,
n'a et n'a jamais pu avoir autre séparation que les massifs de houille
réservés pour Serre.
Au nord, et dans la commune d'Ans, cette même arène Blavier, n'a jamais eu ni pu avoir autres séparations, autres limites, avec l'arène franche du Val-St.-Lambert, qui domine cet endroit, qu'une serre semblable je dis n'a jamais eu ni pu avoir parce que dans la partie du bassin houiller où ces arènes viennent respectivement aboutir en sens divers, il n'existe ni failles ni limites souterraines qui aient pu interrompre la marche des veines et présenter une barrière naturelle à la pourchasse de ces arènes. Il a donc fallu nécessairement les resserrer et les circonscrire par des serres propres à garantir leur mer d'eau de toute communication. Aussi ne puis-je concevoir comment on a pu proposer il n'y a pas longtemps, dans des débats judiciaires, d'établir la chaussée d'Ans, qui n'a été tracée et commencée qu'en l'année 1716, pour ligne de séparation entre les arènes de la Cité et de Messire Louis Douffet.
Indépendamment
de ces arènes existaient plusieurs siècles avant cette chaussée,
c'est que jamais les limites des arènes n'ont pu se reconnaître par
des bornes superficielles. Le cours et les limites des arènes se constatent,
1°
par la Série des paiemens que les exploitants ont faits aux arèniers,
2°
par l'exécution successive des obligations auxquelles les exploitants étaient
tenus envers les arèniers,
3° par les rapports, décisions
et jugemens de la Cour des Voir-Jurés qui, tout les quinze jours, devaient
visiter les grandes exploitations,
4° et enfin par le niveau d'eau qui
fait distinguer le district de chaque arène. Ce niveau se montre à
toutes les houillères dans tous les ouvrages, dans tous les bures d'extraction,
il s'y montre pour signaler le bénéfice de l'arène et réclamer
les droits de l'arènier.
Ce que rapporte Mr. Leclercq dans son Mémoire en cause des propriétaires de l'arène Blavier, contre les maîtres des houillières de Gosson et Lagasse, page 8, est parfaitement juste : "tous les bures enfoncés depuis plus d'un siècle dans les limites et dans les terreins de la concession demandée par les maîtres des houillères du Gosson et Lagasse, nous paient le cens d'arène, elle domine donc tous ces terrains et par conséquent ceux dans lesquels la fosse du Gosson est enfoncée ainsi que toutes les fosses qu'ils voudront enfoncer encore dans l'étendue de leur concession. Mr Leclercq n'émet point ici un principe d'opinion, sa proposition est étayée sur les Coutumes, les Edits et les Records, elle a pour base une cause physique. Il serait en effet impossible que tout au milieu d'une mer d'eau, vînt se placer une nouvelle exploitation qui pût avoir un autre niveau que cette mer d'eau. En supposant que le siège de cette nouvelle exploitation se trouvât en serre et en terrain vierge, encore faudrait-il qu'en poussant les galeries, elle rencontrât définitivement le niveau de l'arène dominante, et certes, cette supposition d'un terrain vierge est aujourd'hui bien gratuite.
Lorsqu'en l'année 1728, il s'est agi d'abattre une partie des eaux de l'arène Blavier, sur l'arène voisine et inférieure de Falloise et Borret, afin "de démerger et conquérir en vertu de l'Édit de 1582, les mines des treize exploitations voisines et différentes", deux mineurs experts, dont le rapport a été enregistré au greffe des échevins de Liége, le 3 Septembre de la même année, constatèrent que les 13 bures de ces exploitations, dont deux étaient à une demi lieue du canal de l'arène Blavier, avaient le même niveau que cette arène et qu'en conséquence leur mer d'eau était supérieure de 8 toises, (56 pieds) à la mer d'eau de l'arène Falloise et Borret. On voit donc que le niveau ou mer d'eau était alors un moyen physique de constater le cours et le district d'une arène. Je dis alors, il le serait encore aujourd'hui si les anciens bures n'étaient comblés. L'arènier ne peut donc acquérir la connaissance de l'étendue de la mer d'eau de son arène que par les propres faits des exploitants.
Tout ce que peuvent aujourd'hui les arèniers pour justifier leurs droits, et c'est aussi, ce semble tout ce qu'ils doivent, c'est de s'étayer sur les Coutumes et usages consacrés par l'ancienne législation, c'est de prouver par leurs registres que dans tel district houiller ils ont reçu le cens d'arène, que telle exploitation nouvelle est dans l'enceinte ou à proximité de celles qui ont payé le cens, et qu'enfin, si, par suite d'un abattement légal ou clandestin de leur arène, les eaux ont cessé de jaillir à son oeil, il ne s'ensuit nullement que le bénéfice de l'arène ait cessé, ni que le cens ne soit dû.
§
V AVANTAGES ET BÉNÉFICE DES ARÈNES.
On sait que la terre
ne renferme pas d'eau dans ses entrailles, que l'eau qu'on y trouve à plus
ou moins de profondeur, provient des pluies et de la fonte des neiges, les fentes,
les crevasses tout concourt à rendre faciles leur chute et leur infiltration.
Voici comme s'exprime à cet égard Mr. Génnetté, premier
minéralogiste de l'empereur d'Autriche, dans son traité sur l'origine
des fontaines, page 98, 112 et 116, "Les pluies, et les neiges fondues pénètrent
dans le sein des montagnes par les fentes et jointures des bancs de rocs. Elles
remplissent d'abord tous les intervalles et par leur pression tant de haut qu'en
bas que latéralement, elles se répandent de tous côtés
en s'y portant avec toute la force que leur donne le poids par la hauteur des
colonnes de ces eaux qui se chargent réciproquement, tellement que plus
les eaux pénètrent vers le bas, plus les colonnes s'allongent et
plus aussi leur pesanteur augmente."
Dans son traité sur la même origine des fontaines, Mr. Mariotte, savant physicien français, dit positivement la même chose, page 26. Louvrex, tome 2, page 241, dit aussi qu'une arène porte le poids et le faoz (fardeau des eaux) d'une telle houillère. Dans le terrain houiller du pays de Liége, les eaux ne se sont point accrues souterrainement par les seules causes naturelles. Ce terrain criblé de toute part par les bures qu'ont creusés les premiers exploitants et leurs successeurs, renferme des mares si considérables que tout accès aux mines serait depuis longtemps impossible sans les moyens d'épuisement que présentent les arènes dans tous les districts houillers.
On voudrait en vain dissimuler qu'en dégageant de haut en bas et latéralement, toutes les colonnes d'eau supérieures à leur niveau, les arènes n'eussent pas rendu accessibles et exploitables, tant les veines supérieures, que les veines inférieures à ce niveau. Nul doute qu'avant la construction des arènes, des exploitants n'eussent déjà atteint des veines inférieures à leur niveau, alors surtout que leurs ouvrages se portaient sur des mines roisses (perpendiculaires): déjà donc, alors, il existait des vides occupés par des eaux auxquels l'arène ne pouvait offrir de décharge. Il fallu donc trouver des moyens de les épuiser, et comme il n'existait pas de pompes à vapeur, ces moyens se réduisirent à élever les eaux dans des tines ou tonneaux et à les verser sur le niveau de l'arène.
L'ont conçoit que ce mode d'épuisement devenait insuffisant, alors surtout qu'un percement inconsidéré mettait les travaux en communication avec une colonne d'eau provenant d'anciens ouvrages dont on ne soupçonnait pas l'existence. Pour lors, le mal était sans remède, on était forcé d'abandonner l'exploitation pour en recommencer une nouvelle. Ce sont des ouvrages, entrepris, abandonnés, repris, pour être abandonnés encore, qui ont causé tous les malheurs qui sont arrivés aux exploitations du pays de Liège. Ces ouvrages ont laissé dans la profondeur des vides qui renferment aujourd'hui des amas d'eau immenses. Le domaine de ces eaux s'est accru au fur et à mesure que se sont multipliés les communications avec les ouvrages inondés.
Les
premières pompes à vapeur ne parurent que vers 1727. Elles remplacèrent
les moyens d'épuisement qui s'exécutaient à bras d'hommes
ou à l'aide de chevaux. Loin de cesser d'être utiles, les arènes
devinrent plus nécessaires encore, car elles reçurent les eaux des
nouvelles pompes qui, alors comme aujourd'hui, furent dispensées de les
élever à la superficie. Ainsi, sans cesser de tenir à sec
toutes les parties supérieures à leur niveau, les arènes
donnent aux exploitants le triple avantage,
1° de soulager et d'accélérer
le jeu des pompes,
2° de dispenser de construire des canaux et des aqueducs
de décharge,
3° Et enfin de ne point employer une forte partie de
leurs capitaux à construire une arène : car en définitif,
s'ils n'avaient pas d'arène dominante dans leur ouvrages, ou une arène
à proximité pour se mettre en communication avec sa mer d'eau, il
faudrait nécessairement en construire, quels que fussent les avantages
qu'offriraient les localités pour le versage et l'écoulement des
eaux.
Supposons que les pompes à vapeur eussent été connues au temps de la construction des arènes, et examinons si alors, il y eût eu des motifs assez puissants pour renoncer à cette construction. En nous reportant à cette époque, il est essentiel de se rappeler que les exploitations abandonnées, et elles l'étaient toutes ou presque toutes, formaient autant de réservoirs ou de mares d'eau. L'effet des pompes n'eût donc alors pas été que local et très circonscrit. À défaut de canaux de décharge, les eaux qu'elles eussent élevées à la superficie fussent rentrées à plus ou moins de distance dans le sein de la terre : les pompes à vapeur ne pouvaient donc produire leur plein effet qu'après la construction des arènes. Supposons encore qu'il n'ait été jusqu'à nos jours construit aucune arène et conséquemment que tous les vides, les cavités pratiqués sous terre pour l'extraction des mines fussent occupés par les eaux, je le demande, que feraient aujourd'hui les exploitants sans arène, sans galerie souterraines ? n'auraient-ils pas à luter à la fois contre trois obstacles invincibles ?
Cependant
les arènes paralysent deux de ces obstacles, et prêtent leur assistance
pour vaincre le troisième. Ces obstacles sont :
1° les eaux que
l'arène a déchargées et qui occuperaient aujourd'hui tous
les vieux ouvrages,
2° les eaux qui tombent journellement de la superficie
que l'arène reçoit et décharge aussitôt, et qui, à
défaut d'arène, alimenteraient sans cesse les réservoirs
et les mares où les pompes agissent et où elles agiraient sans succès
quelle que fût leur puissance,
3° et enfin les eaux inférieures
au niveau de l'arène, lesquelles sont aujourd'hui, les seules eaux qui
exigent des moyens d'épuisement, moyens que les arènes favorisent
d'autant plus qu'elles présentent leur niveau à 232 à 280
pieds de la superficie, non sur une ligne plus ou moins prolongée, mais
dans l'étendue entière d'un district de plusieurs lieues carrées.
Je vais faire ressortir encore davantage l'évidence des faits. Le Record de la Cour des Voir-Jurés de 1607, déclare formellement que "les arènes sont la cause mouvante et efficiente des ouvrages de mine, et des vuids, et des vacuités produits par ces ouvrages, et que sans ces arènes, ces vuids et vacuités n'auraient pas été faits." Cette déclaration faite par une cour qui alors jouissait de la plus haute considération, n'a pas cessé ni pu cessé d'être vraie, et quels que soient les moyens d'épuisement que présentent les pompes à vapeur, ces moyens seraient incomplets, ils seraient insuffisants s'ils n'avaient les arènes pour principaux auxiliaires : le service de celles-ci est constant, sans interruption, il est perpétuel. Pour déterminer la conviction des personnes, qui pourraient douter encore que les pompes à vapeur ne pourraient, sans les arènes, suffire à l'épuisement des eaux, voici ce que dit M. Jaers dans son voyage métallurgique. "J'ai vu des mines de l'Angleterre, de l'Écosse, de la Suède, de la Norwege, de l'Allemagne et du pays de Liége. La pompe à feu de Walker près de Neuwcastel est la plus considérable du nord de l'Angleterre et peut-être la plus grande d'Europe. Cette machine sert à élever les eaux d'une mine qui a 100 toises de profondeur perpendiculaire (600 pieds), mais elle ne les élève que de 89 toises, attendu qu'à onze toises de profondeur on a pratiqué (donc elle n'était pas pratiquée), une galerie d'écoulement de quatre pieds de hauteur sur 250 toises de longueur ayant son embouchure dans la rivière.
L'on voit donc qu'en Angleterre où les pompes à vapeur prirent naissance, et où l'industrie pour l'exploitation des mines est parvenue à un degré qu'aucune autre nation n'a pu atteindre, on a été loin de penser que les galeries d'écoulement fussent inutiles, et cependant quelle différence entre une galerie faite toute exprès pour l'exploitation d'une mine qui se plonge perpendiculairement dans les entrailles de la terre avec les arènes du pays de Liége. Là avant de recueillir aucuns fruits de leurs travaux, les exploitants construisent à grands frais une galerie d'écoulement qui encore ne procure que onze toises de soulagement à la plus grande pompe de l'Europe, tandis qu'ici, sans être tenu à la moindre avance, les exploitants jouissent d'un bénéfice de 30 à 50 toises et étendent ce bénéfice, non à une mine, mais à 20 ou 23 couches quelles que soit leur inclinaison.
J'ai vu, ajoute Mr. Genneté, les souterrains des mines de charbon de terre de Charleroy, de Namur, d'Aix-la-Chapelle et surtout du pays de Liége. J'ai vu des fosses absolument noyées par une infiltration si abondante que cinq grosses machines à feu ne diminuaient presqu'en rien cette abondance d'eau. Alors, continue-il, si la mine noyée est d'un bon rapport, on fait les frais d'une conduite sous terre qui prend les eaux de la fosse et les porte au travers de la montagne dans une vallée qui se trouve quelquefois à une demi lieue, à une lieue et même souvent à plusieurs lieues de distance de la montagne qu'on exploite. Ici Mr Genneté a commis un anachronisme ou plutôt les exploitants, auxquels il s'est adressé, le lui ont fait commettre dans l'intérêt de leur amour-propre : les arènes existaient avant l'établissement des pompes à vapeur, notamment celles qui dominaient les lieux dont il parle.
Dans le dictionnaire des sciences naturelles, coup d'oeil sur les mines, tom. 31, Page 48, il est dit : "on parvient à se débarrasser des eaux par une tranchée ou par une galerie d'écoulement. C'est toujours le moyen d'assèchement le plus sûr, et malgré les grandes avances qu'il exige, c'est souvent le plus économique. Les grands avantages que présentent ces galeries sont qu'on ne craint jamais de les établir dans les exploitations qui promettent une longue durée. Il y en a qui ont plusieurs lieues de longueur. Quelquefois on parvient à les disposer de manière à épuiser plusieurs mines." "On a remarqué que les sources abondantes se trouvent plutôt vers la surface du sol que dans les grandes profondeurs." Page 87, "la grande galerie d'écoulement des mines de Clausthal au Hartz à 10438 mètres de longueur et passe à 288 mètres au-dessous de l'église de Clausthal. Son percement a duré depuis 1777 jusqu'à 1800, et a coûté 1,648,568 francs." L'instruction du ministère de l'intérieur du gouvernement français en date du 3 août 1810, pour l'exécution des art. 35 inclus 39 de la loi du 21 avril même année sur les mines, porte "la redevance proportionnelle imposée sur les produits, a pour objet, en ajoutant la somme de son produit à celle de la redevance fixe, de faire face aux dépenses de l'administration des mines, à celle des recherches, ouvertures et mises en activité de mines nouvelles ou au rétablissement des mines anciennes : ce produit pourra encore être très utilement appliqué pour encouragement à raison de l'exécution des machines puissantes ou de grands tuyaux économiques et surtout à l'établissement de moyens d'exploitation utiles à plusieurs mines d'un même canton par exemple : au percement de galeries profondes d'écoulement qui prépareraient un nouveau champ d'extraction à plusieurs concessions des mines."
On voit ici que le ministre considère les galeries d'écoulement comme devant prévaloir aux machines puissantes, comme nécessaire pour préparer un nouveau champ d'extraction, et cependant qui le croirait ? Les exploitants du pays de Liége qui jouissent d'avance du bénéfice de ces galeries en contestent, en dénient même le bénéfice. Pour combler la mesure des faits et des preuves, je citerai encore le passage d'un rapport fait au Préfet du Département de l'Ourthe le 12 octobre 1808, par l'ingénieur en chef des mines. "Rien ne s'oppose à ce que le Sr. Demet, maître de la Haye, dirige les eaux de ses travaux sur le canal de l'arène de Gersonfontaine dont le niveau, plus profond de 15 mètres que celui de l'arène de St Hubert, correspond à la veine Beaume où se trouve la tête des eaux et le premier cuvellement de son bure et qu'il profite des anciens ouvrages pour établir cette communication et en diminuer les frais." "Par cette opération le Sr. Demet réduira de beaucoup le volume d'eau qu'il est obligé d'élever avec la machine à vapeur jusqu'à 39 mètres de la superficie où se trouve actuellement son canal d'écoulement. L'exploitation de la Haye était établie, comme on le voit, sur l'arène de Gersonfontaine qui était séparée de l'arène de St Hubert, par une faille. Suivant les lois et édits, il n'était pas permis à l'exploitation de La Haye de percer la faille pour communiquer avec l'arène de St Hubert. Mais par une concession accordée au Sr. Demet, l'exploitation de la Haye se trouve placée à cheval sur la faille ce qui est sans contredit contre les règles de l'art. "mais il diminuera encore la charge de cette machine en acquérant la faculté de les déverser à 40 mètres plus bas, c'est-à-dire au niveau de l'arène de Gersonfontaine. Il ajoute encore "pour assurer la solidité de l'ouvrage Champay, le Sr. Demet rectifiera le canal d'écoulement ouvert par le Sieur Massillon de manière à ce qu'il communique avec l'arène de St Hubert."
Il est donc bien constant que les pompes sont loin d'avoir paralysé le bénéfice des arènes, il est donc bien constant que ces arènes continuent et continueront, comme par le passé, à être nécessaires très nécessaires à toutes les exploitations sans en excepter une seule, et qu'enfin cet axiome, si connu des mineurs, cet axiome sanctionné par un si grand nombre de jugemens et arrêts : nulle exploitation sans arène ne cessera de recevoir au pays de Liége son application aussi longtemps qu'il y existera des exploitations de mines de houille : la vérité de cet axiome a été reconnue et publiquement avouée par l'ancien procureur-général et avocat Raick, lequel fut propriétaire de plusieurs exploitations notamment de la houillère Bonnefin. Dans la cause des arèniers des Blavier contre les maîtres de la houllière du Saoux à Berleur, Raick dit que "si l'arène Blavier n'eût pas dominé les ouvrages qui lui sont respectifs, il est certain qu'ils seraient noyés et submergés en suite de cette règle vulgaire que sans le bénéfice d'une arène, il serait impossible de travailler les veines dessous eau soit par machine à feu, soit par l'effet de la tine ou tonneau".
Paragraphe
VI. DÉSIGNATION DES ARÈNES ET DES ARÈNES FRANCHES.
Je
ne parlerai ici que des arènes principales, de celles qui ont leurs cours
et leur district dans la partie du pays de Liége, où s'exploitent
les mines de houille les plus importantes. Cette partie commence à Jemeppe
et se termine à Oupeye, le premier village est à 5 kilomètres
au-dessus de la ville de Liège, et le second à 8 kilomètres
au-dessous. Les villages compris dans cette partie, rive gauche de la Meuse, sont
: Montegnée, Grâce, Berleur, Nicolas, Ans, Glain, St-Gilles, la ville
de Liége et ses faubourgs de Ste-Marguerite, de St-Laurent, d'Avroy, de
Hocheporte, de Xhovémont, de Ste-Walburge et Vivegnis puis les Tawes, Thier-à-Liége,
Bernalmont, Morenvaux, Herstal et Oupeye : entre cette dernière commune
et celles de Haccourt et Hermal, la mine se perd. L'amont pendage, c'est-à-dire,
l'élévation de la mine est à l'ouest, du côté
de la Hesbaye, elle se perd également dans les parties supérieures
des communes de Hollogne-aux-pierres, d'Ans et de Vottem.
Le
canton le plus abondant et que l'on peut considérer comme le centre du
bassin, est bien celui de Saint-Gilles. Là, la première veine est
à 21 pieds de profondeur. En suivant cette Zone houillière d'amont
en aval, on trouve :
1°. l'arène Dordenge,
2°. l'arène
Blavier,
3°. l'arène Falloise et Borret,
4°. l'arène
de St-Hubert,
5°. l'ancienne arène d'Avroy,
6°. l'arène
Gersonfontaine,
7°. l'arène du Val St-Lambert,
8°. l'arène
de la Cité, divisée en deux branches, l'une dite Chevron, l'autre
dite Delle-Haxhe,
9°. l'arène messire Louis Douffet,
10°.
l'arène de Richonfontaine,
11°. l'arène Brosdeux,
12°.
l'arène Brandesire,
13°. l'arène de l'Aventure,
14°.
l'arène du Marteau,
15°. l'arène dite Xhorré-Godin.
L'ordre dans lequel je viens de désigner ces quinze arènes, indique aussi entre elles le degré de leur niveau, c'est-à-dire, que la première est supérieure à la seconde, la seconde à la troisième et ainsi de suite. Il existait anciennement d'autres arènes intermédiaires, savoir : une à Sclessin, une dite Constant Lambermont, qui avait son oeil, dans le bien des Guillemins sur Avroi, les monastères du Val-Benoît, de Robermont, de Vivegnis avaient aussi leur arène. Parmi les arènes dont la nomenclature précède, il en est quatre que l'on désigne sous le nom d'arène franches, parce que, fournissant les eaux aux fontaines de la ville de Liége, elles étaient placées plus spécialement sous la Sauvegarde des Lois. La ville de Liége avait un syndic chargé de poursuivre devant les Tribunaux, les atteintes que la malveillance ou la cupidité y auraient portées. Les quatre arènes franches, sont celles du Val St-Lambert, de la Cité, de messire Louis Douffet et de Richonfontaine. Les droits de leurs propriétaires sont les mêmes que ceux des autres arènes que l'on a distinguées par la dénomination singulière d'arènes Bâtardes. La plus inférieure des arènes franches, celle de Richonfontaine, a son bassin de décharge dans la rue de la Mère-Dieu, près de l'église St-Antoine. Ses eaux sont conduites sur les fontaines publiques et privées des rues Hors-Château, Feronstrée, la Batte et St-Léonard. Elle est séparée de l'arène Brosdeux et de l'arène messire Douffet, par deux failles qui lui servent de limites naturelles.
Le district de cette arène est fort étendu par la raison, disent les Voir-Jurés, "qu'elle a existé avant nulle autre." L'arène Blavier qui existait avant 1471, a aussi un district plus étendu. L'arène de Richonfontaine domine le faubourg de Ste-Walburge, Pierreuse, la Citadelle, Hors-Château, le faubourg Vivegnis, les Tawes, le tout en deçà de la faille qui la sépare de l'arène Brosdeux, les terrains du ci-devant collège des Jésuites Anglais, et va finir vers l'occident à l'endroit dit : Molenvaux, commune d'Ans, où se trouve à proximité des arènes du Val-St-Lambert et de la Cité. L'arène franche de messire Douffet, dont l'embouchure et la décharge sont dans le bassin qui existe dans la Ruelle Chabot, contigüe à la Table de Pierre, a un district très-borné comparativement à celui des autres. Elle est resserrée entre les arènes de la Cité et de Richonfontaine. D'après le plan qui fut levé judiciairement et qui fut produit, en l'an 1734, contre les maîtres de la Conquête et aussi d'après les registres des propriétaires de cette arène, on la vit dominer depuis la faille de Faucompierre au fond Pirette, cotoyant l'arène de Richonfontaine dans les jardins du ci-devant collège des Jésuites Anglais, dans Pierreuse, la Volière, les jardins des Frères Célites et des Capucins, terrains qui, avant l'érection de ces établissements, se nommaient Fawèchamps, puis en l'endroit dit Roya, dans les jardins du couvent de Ste-Claire, dans la rue Agimont, Hocheporte, le Bas-Rieux, les endroits dits Mabiet, Longthier, et finalement les fonds d'Ans et Mollin. Pour que cette arène ait étendu de la sorte son district en deçà des remparts et dans l'intérieur de la Ville, nul doute que l'on ait exploité dans ces endroits : c'est aussi ce que confirme les registres de la Cour des Voir-Jurés. On y voit qu'il a existé plusieurs bures, tant dans ces jardins que dans les endroits dits Roya, Fawéchamps, etc. Mais aussi il a fallu que l'on ait reconnu les suites désastreuses de ces travaux, pour que, le gouvernement liégeois se soit déterminé à interdire toute extraction intra muros et pour avoir rigoureusement maintenu cette interdiction. Enfin, l'arène franche messire Douffet, avoisinant au faubourg Ste-Marguerite l'arène de la Cité, bénéficiait en 1525 la houillère Delle Geneisse et celle du Forre à proximité de laquelle est aujourd'hui établie, celle de MM. Orban et associés.
L'arène de la Cité a son bassin de décharge dans la rue de St-Severin, et fournit les eaux aux fontaines du Palais, du Marché et des rues adjacentes. Ce paragraphe concernant les arènes serait incomplet si je ne parlois des Bolleux. Bolleux, ainsi s'appelaient les trous de sonde pratiqués dans le roc pour procurer une décharge aux eaux des arènes. Ces bolleux par où jaillissaient les eaux, faisaient connaître l'état de situation des arènes. Les Voir-Jurés les visitaient fréquemment pour s'assurer que les eaux n'éprouvaient aucune diminution. S'ils y eussent remarqué une diminution notable, ils en tiraient l'induction que les atteintes étaient portées aux Serres séparatoires, et à l'instant ils s'empressaient de constater le délit qui, pour les arènes franches, emportait la peine capitale. L'arène franche de Richonfontaine avait ses Bolleux ou jets d'eau, au bure des Sept Journaux, qui est au delà de la Citadelle, à côté de la ruelle Delle Chaîne. L'arène franche de messire Douffet, avait ses Bolleux au bure du Crampon, au dessus du faubourg Ste-Marguerite. L'arène franche de la Cité avait deux branches, l'une dite de Lardier ou Chevron, l'autre dite Delle Haxhe ou Douflot : Elle avait ses Bolleux pour la première branche, dans la Bure dit Chevron, qui est dans le parc ou pré de St-Laurent, et pour la seconde au bure du Chaudron, au faubourg Ste-Marguerite. Enfin, avant son abattement sur l'arène de la Cité, l'arène du Val-St-Lambert, avait ainsi que je l'ai dit précédemment, son embouchure dans le fond d'Ans et Mollin, un peu plus haut que l'endroit dit Mabiet. C'était à cette embouchure que se faisait la reconnaissance de ses eaux.
§
VII DES ABATTEMENS.
Les art. 7 et du 8 record de l'an 1607 statuent "qu'il
n'est pas permis, mais expressément défendu, de desserrer, xhorrer
ni percer aucun bure aucun ouvrage à un autre, pour s'accommoder d'une
xhorre ou arène plus basse, ni pareillement percer ou xhorrer d'une arène
à l'autre, quelles qu'elles soient, sans obtenir licence des seigneurages
arèniers ou enseignement de justice". Cette citation me reporte nécessairement
à l'édit du prince de Liége, Ernest de Bavière, de
l'an 1582. A cette époque, les veines supérieures à la mer
d'eau n'étaient point encore toutes en communication avec les arènes,
je veux dire que les arènes n'étaient encore point encore toutes
parvenues à l'extrême limite de leur district, à la dernière
pièce de leurs acquets, de sorte que les eaux n'ayant point encore obtenu
l'écoulement général qu'elles ont eu depuis, l'on dut recourir
au seul expédient qui se présentait.
En conséquence l'édit du 20 janvier 1582 "autorisa quelconque de quel estat ou qualité qu'il soit moyennant enseignement des Voir-Jurés du charbonnage et de justice et satisfaisant les droitures de terrages, cens d'arènes et autres, de faire xhorres, tranches et abattement des eaux". Bien que cet édit concerne particulièrement les travaux des exploitants qui avaient pour objet de se mettre en communication avec les arènes, cependant on en étendit dans la suite les dispositions aux arènes mêmes, c'est ce qui résulte du Record des Voir-Jurés de l'an 1607 auquel je reviens. On a cru remarquer, dans les art. 7 et 8 de ce Record ci-dessus transcrits, une espèce de contradiction : d'une part, il est interdit aux exploitants de percer ou communiquer d'une arène à l'autre, sans obtenir licence des seigneurages arèniers ou enseignement de justice, sous peine d'avoir forfait et de payer deux cens d'arène, d'autre part, et nonobstant le bénéfice d'une arène inférieure obtenu légalement, l'on doit aussi deux cens d'arène, ce qui fait penser que ce double cens étant dû, soit que la justice intervînt soit qu'elle n'intervînt pas, l'exploitant pouvait se dispenser, ou du consentement de l'arènier, ou de l'enseignement de justice.
Je pense au contraire que les articles dont il s'agit se prêtent un mutuel secours. Dans le cas d'un abattement d'une arène supérieure à une inférieure, l'intérêt public peut se trouver et doit même se trouver placé entre l'intérêt des exploitants et l'intérêt des arèniers : je vais présenter deux exemples. Un exploitant demande à son arènier la licence d'abattre son arène sur l'arène inférieure : l'exploitant lui expose en vain les avantages que ses travaux retireront de cet abattement, et nonobstant l'offre qu'il lui est fait de continuer le cens d'arène, l'arènier refuse son consentement et motive son refus sur ce qu'il craint de cette opération ne porte préjudice ou à son arène ou à ses droits. Autre exemple : l'arènier, ne consultant que son intérêt, accorde à l'exploitant, qui lui en fait la demande, la permission de percer à l'arène inférieure. Se bornant à cette seule démarche, l'exploitant opère l'abattement à l'insçu des Voir-Jurés, à l'insçu du propriétaire de l'arène inférieure et à l'insçu des exploitants, dont ce percement peut momentanément inonder les travaux et compromettre la vie des ouvriers. Dans le premier cas, l'enseignement de justice était nécessaire pour vaincre, si elle n'est pas fondée, la résistance de l'arènier, dans le second cas, il est encore nécessaire dans l'intérêt de tous. Loin donc d'apercevoir ici la plus légère contradiction, je ne vois qu'une disposition sagement conçue, sagement combinée, une disposition qui assure aux arèniers le maintien de leurs droits perpétuels, héréditaires et irrévocables, aux exploitants la sûreté et le succès de leurs travaux, aux tiers intéressés, la garantie de leurs droits et de leurs prétentions légales et enfin à la chose publique, l'action du pouvoir qui veille à ses intérêts et punit les méfaits. Il s'ensuit encore, que nonobstant le gré obtenu des arèniers, la cour des Voir-Jurés pouvait intervenir d'office et prescrire, défendre ou permettre tel abattement qu'elle eût jugé utile ou nuisible à l'intérêt public, mais toutefois comme le porte l'édit de 1582, sauf en cas d'abattement les droits de cens d'arène, etc.
En l'année1697, l'arène franche du Val-St-Lambert qui, ainsi que je l'ai dit, avait son oeil à Ans et Mollin un peu plus haut que l'endroit dit Mabiet, fut abattue sur celle de la Cité par le Conseiller Roland, premier entrepreneur des ouvrages dits de la conquête et Maître de la houillère dite du forre au faubourg Ste-Marguerite. Ce fut au bure de la Jeunesse à Ans, que se fit cet abattement du consentement des autorités et de toutes les parties intéressées. Le Conseiller Roland dut au préalable contracter tant avec les meuniers des Bas Rieux, qu'avec le Magistrat de Liége et le Chapitre cathédral. Il dut souscrire l'obligation de remplacer les eaux de l'arène du Val-St-Lambert qui ne donnait alors que trois pouces d'eau, tandis qu'il en était jailli jusqu'à soixante. Il fit en conséquence construire à grands frais un canal pour amener des eaux nouvelles, tant sur les huit moulins des Bas Rieux, que sur les bassins des fontaines de la ville. Ce sont encore ces eaux qui alimentent aujourd'hui les fontaines du Mont St-Martin, de la place St-Pierre, de la Haute Sauvenière et du quartier de l'Ile. Delà la dénomination vulgaire des fontaines Roland. Si dans cette circonstances, l'autorité ne se fût interposée entre les arèniers, les exploitants, les Meuniers, la Ville de Liége et le Chapitre cathédral, si le consentement de l'arènier eût seul suffi, que fussent devenus tous les intérêts qui se pressaient pour s'opposer à l'abattement ? Les motifs qui déterminèrent l'abattement de l'arène du Val-St-Lambert sur l'arène de la Cité, furent de rendre plus facile et moins coûteuse l'exploitation des mines.
La mer d'eau de l'arène de la Cité, était d'environ vingt mètres inférieure à celle du Val-St-Lambert. Dans la suite, la propriété des ouvrages du Conseiller Roland passa, d'un côté dans les mains de la famille Hardy et des maîtres de Beaujonc, et d'un autre dans celle des échevins Piette, Fassin et autres. Il est un grand nombre d'exemples d'abattemens d'une areine supérieure à une inférieure : soit que ces abattemens se fissent du gré des arèniers et d'autorité de justice, soit qu'ils se fissent clandestinement, les arèniers conservaient respectivement la redevance qui leur était due ainsi que tous leurs droits. Une arène abattue ne porte pas moins dans tout son cours et district, le poids et la charge des eaux jusqu'au point où on lui a procuré une nouvelle décharge sur l'arène inférieure, elle ne continue pas moins son bénéfice, l'effet de l'abattement a été, quant aux mines, de réduire le niveau d'eau, et quant à l'arène de donner au cours de ses eaux, une décharge inférieure à son embouchure ou oeil primitif. Ainsi l'abattement considéré, sous ce double rapport n'a point rendu et n'a pu rendre inutile le bénéfice de l'arène abattue, elle continue et continuera toujours à dominer dans tout son district. Une observation qui ne peut échapper, c'est qu'une exploitation qui s'étend dans le district de deux arènes, exécute ses travaux avec bien plus de facilités et à moindre frais que ne peut le faire celle qui doit ramener au même centre toutes ses communications, tous ses épuisemens.
CHAPITRE
II
Des Arèniers
PARAGRAPHE
PREMIER DE LEURS TITRES DROITS ET PRÉROGATIVES
Les titres, droits et
prérogatives des arèniers se trouvent dans les paix, les édits,
les coutumes du pays de Liége et dans les Recors de la cour du charbonnage
dite des Voir-Jurés. Le grand nombre de contrats, qui ont été
passés entre les arèniers et les exploitants depuis quatre à
cinq siècles et plus, prouvent quelle était l'étendue, quels
étaient les effets de ces titres, droits et prérogatives. La paix
de St-Jacques de l'an 1487, était la loi fondamentale de la matière
que je traiterai dans ce chapitre, qu'il me soit permis de dire au préalable
un mot sur la signification du mot Paix. Le pays de Liége, gouverné
d'après les privilèges, franchises et libertés octroyées
par les empereurs. Les usages, les coutumes lui en tenaient lieu. Mais ces usages,
ces coutumes n'avaient pu disposer pour les cas à venir : delà une
infinité d'interprétations, de mésentendement et occupation
de prolixité d'écritures qui suscitoient de grands différens
et altercations. "Désirant mettre au bas tous les différens
et toutes choses y être mises au clair et bon entendement, et pour ôter
tout abus, mesus, choses obscures et de double entendement..., il intervenait
entre le Prince, les autorités et les députés du peuple,
des statuts, des ordonnances, des règlemens portant interprétation,
restriction ou addition aux usages et coutumes. Ce sont ces statuts, ces usages,
ces ordonnances, ces règlemens, toujours confirmés et approuvés
par le Prince, que l'on appelait paix, parce qu'en effet ils mettaient fin aux
différens, aux prétentions et aux discussions qui en avaient été
l'objet, soit entre les corps de l'état, soit entre ceux-ci et les particuliers.
La paix de St-Jacques fut ainsi dénommée, parce qu'elle fut signée dans l'Abbaye de ce nom, où les délégués "s'étaient mis et remis ensemble sans illecque, départir ni yssir, (sortir) jusqu'à ce que sur tout le contenu, desseur dit, ils besoignez, déclarez, adouvert, modéré et conclud tout ce que bon raisonnable et expédient leur a semblé se devoir faire en tout et par tout, de tout leur pouvoir, sens avis et entendement." Dans cette circonstance solennelle, où il s'agissait de fixer les droits des parties, c'est-à-dire, des arèniers et des exploitants, des arèniers-exploitants et des exploitants-arèniers, on ne peut voir sans admiration quinze délégués choisis parmi les notables les plus marquans et les plus éclairés du pays, se renfermer dans un cloître pour examiner les coutumes et usages de houillère ainsi que les statuts, lois, ordonnances rendus sur la matière, afin d'en faire un rapport concis et se rendre ainsi, pendant la durée entière de leurs grands labeurs et diligences, inaccessibles aux parties intéressées et même aux hommes. La paix de St-Jacques prouve, qu'antérieurement à sa promulgation, il existait des lois, des usages, des coutumes en matière de houillère : mais comme le dit l'exposé des motifs de cette paix, "chaque partie prenoit ce qui servoit à sa cause et lui étoit profitable et delaissoit ou postposoit ce qui par restriction ou modération lui étoit contraire, ce qui donnoit grande occupation, vexation et travail aux juges tenant siège de justice en la Cité de Liége." C'est donc cette Paix, méditée et conçue dans le profond silence des cloîtres, loin des intrigues, et surtout à l'abris de ce fatal esprit de coterie et de patronage, que les arèniers obtiennent, non seulement l'aveu public de leurs droits, mais la reconnaissance de leurs titres. Suivant l'art. 1er de cette Paix : "usage est que, quiconque commence arène ou aide à faire par oeuvre de bras ou de ses deniers, pour quelque parchon qu'il ait, ladite arène doit suivre et le profit et acqueste durant lui ses hoirs et successeurs après lui..."
Les arèniers ne pouvaient détruire les arènes qu'ils avaient construites d'autorité de justice, ni en entraver le cours, ni, lorsqu'ils exploitaient eux-même, nuire aux travaux d'autrui. En continuant la lecture de la Paix de St-Jacques, on voit que les arènes doivent rester franches dans leur cours, que personne ne doit y porter obstacle, que les arèniers, en payant les dommages, peuvent traverser le bien d'autrui pour les reconnaître et faire enlever les encombres (désencombrer). Comme les exploitants ne pouvaient, sans le gré des propriétaires, pénétrer dans leurs fonds pour y établir des travaux, à bien plus forte raison ils ne pouvaient, sans le gré des arèniers, entreprendre ou abandonner des travaux dans le district de leur arène respective. Toute société d'exploitants, abandonnant ses travaux, était tenue de présenter aux arèniers, ses puits et ustenciles, afin que ceux-ci, s'ils le jugeaient convenable, pussent reprendre et continuer les travaux. En entreprenant l'exploitation d'une couche, les exploitants étaient dans l'usage d'offrir à l'arènier les prémices de la veine. L'arènier pouvait contraindre les exploitants qui avaient interrompu ou cessé leurs travaux, de mettre la main à l'oeuvre et de les dessaisir en cas de défaut ultérieur. Suivant le Record de la Cour du Charbonnage du dernier juin 1607, les arèniers ont le droit de faire visiter deux ou trois fois l'année, aux dépends des exploitants, les travaux entrepris et poursuivis dans le district de leur arène. Ces visites avaient pour objet de mettre à portée les arèniers, de surveiller les exploitations établies sur le cours de leur arène et d'exercer en même temps les droits inhérens à leurs titres. Quelque sacré que fut le droit du propriétaire terrageur, auquel les Lois accordaient action criminelle contre les exploitants qui se seraient furtivement introduits dans ses mines, les droits des arèniers semblaient prévaloir encore : car le sociétaire exploitant qui, à défaut de satisfaire à sa quote-part de frais, se laissait déssaisir de son droit, ses associés étaient tenus d'en avertir leur arènier qui avait le droit de purger la part du déssaisi et de le remplacer dans la société, sans rien payer pour lui.
Les propriétaires du fond n'avaient pas ce droit. Les exploitants étaient tenus de conserver en magasin le tantième du produit des extractions appartenant aux arèniers. Dans le temps où les arèniers exerçaient leurs droits dans toute leur plénitude, dans le temps où le seigneurage (domaine) des arènes, se trouvait concentré en des mains riches et puissantes qui activaient elles-mêmes directement ou indirectement les travaux, des exloitans cherchèrent en vain à s'affranchir de leurs obligations : le plus grand nombre d'ailleurs était pénétré de cette vérité consacrée dans nos usages et coutumes que "les arèniers sont les premiers auteurs et originels fondateurs des exploitations". Mais depuis que les transactions, les ventes, les partages, ont divisé la propriété des arèniers, il leur eût été impossible de s'entendre et de s'unir, non seulement pour exploiter par eux-mêmes, mais encore pour exercer la plus grande partie des droits et prérogatives qui leur appartiennent. Il ne faut donc pas s'étonner que la plupart de ces droits et prérogatives soient tombés en désuétude. Aussi les arèniers se bornent-ils aujourd'hui généralement à réclamer le cens d'arène. La section suivante achevera de mettre leurs droits à découvert.
§
II DU CENS D'ARÈNE.
L'arène, devenue une propriété
publique à laquelle il était interdit autant aux arèniers
qu'aux exploitants de porter atteinte, mais dont les arèniers conservaient
le domaine utile, ainsi que la garde et la surveillance concurremment avec les
membres de la Cour des Voir-Jurés, devait nécessairement offrir
aux arèniers, c'est à dire à ceux qui l'avaient construite,
une indemnnité proportionnée à la dépense qu'elle
avait occasionnée. Pour couvrir cette dépense, il fallait plus que
les droits et prérogatives concédées aux arèniers
comme prix d'encouragement. Les capitaux employés à la construction
des arènes, ne pouvaient rester à découvert ni s'amortir
par des prérogatives. Quel motif eût en effet porté l'arènier
à user du droit qu'il avait de pénétrer dans les fonds d'autrui,
pour faire constater les atteintes portées à son arène s'il
n'eût eu intérêt à sa conservation ? C'est pourquoi,
et indépendamment des droits et prérogatives dont jouissaient les
arèniers, tous les exploitants quels qu'ils fussent, propriétaires
du fond et des mines, ou terrageurs, ou permissionnaires, ou même à
titre de rendage de prise ou de conquête, tous devaient payer à l'arènier
une redevance proportionnelle à l'extraction et cette redevance s'appelait
cens d'arène. Au pays de Liége, les mines étaient dans les
mains des propriétaires de la superficie, un objet susceptible de toute
espèce de transaction, parce qu'elles pouvaient être exploitées
sans autorisation ni concession du gouvernement. Ainsi l'on pouvait être
:
1° Ou propriétaire du fond et des mines.
2° Ou propriétaire
du fond et non des mines.
3° Enfin, n'être propriétaire ni
du fond ni des mines, et cependant avoir le droit d'exploiter.
Pour acquérir ce droit, la législation présentait trois moyens : le premier était les contrats volontaires qui se distinguaient en permission, convention ou rendage de prises, le second, était l'action de conquête, et le troisième, la prescription. Par les contrats de convention ou de permission, le propriétaire du fond conservait le domaine des mines, il le perdait par le contrat de rendage. Ce dernier contrat donnait lieu à un grand nombre de procédures, soit pour en contester la validité ou l'application à telles ou telles mines, soit pour justifier de ses droits ou se qualifier, soit enfin pour en faire prononcer la résolution. Pour acquérir le droit d'exploiter par adjudication de conquête, il y avait deux formalités à remplir. D'abord l'entrepreneur, auquel le propriétaire refusait la faculté de travailler les mines par convention, Rendage ou permission, devait prouver en justice que par son industrie et les moyens qu'il indiquait, il pourrait décharger les eaux qui couvraient les mines qu'il entendait exploiter, en second lieu il devait se pourvoir devant les juges pour en obtenir un décret d'adjudication de conquête. À cet effet le propriétaire du fond était interpellé en justice, à l'effet de déclarer s'il entendait travailler par lui-même les mines qui étaient sous son fond. Il lui était ordonné de mettre aussitôt la main à l'oeuvre, et d'employer les moyens ou tous autres semblables, que l'entrepreneur offrait de mettre en usage. S'il n'obéissait point au décret du juge ou s'il ne formait aucune opposition fondée, le juge, après avoir rempli les formalités ordinaires, accordait le décret d'adjudication.
On voit que cette manière de conquérir était fondée sur les mêmes principes d'intérêt public que les lois actuelles. Enfin le droit d'exploiter par prescription s'acquérait lorsqu'au vu et su du propriétaire de la superficie, on avait travaillé pendant 40 jours sans défense ni opposition de sa part. Ce droit était à la vérité très borné, puisqu'il ne s'étendait qu'au seul bure ouvert, qu'à la seule veine attaquée : il était "Census vulgò (cens d'arène,) censetur immobilis cum generaliter census inter immobilia numerentur" vraissemblablement fondé sur la justice de laisser recueillir à l'entrepreneur, le fruit de ses travaux et l'empêcher que le propriétaire du fond, ne fît tourner à son profit des travaux que son silence ou plutôt son consentement tacite avait paru autoriser. Telles étaient les bases de la législation liégeoise sur lesquelles reposent, depuis le onzième siècle, toutes les transactions entre particuliers. Cette législation a donné lieu à des milliers de contrats et de partages qui forment encore aujourd'hui les titres secondaires en vertu desquels se sont établies un grand nombre d'exploitations, contrats que l'article 552 du code civil avait pris sous son égide tutélaire. Néanmoins la loi du 21 avril 1810, tit. 2, art. 6, en statuant "que l'acte de concession règle les droits des propriétaires de la superficie sur le produit des mines concédées, n'a pas prévu le cas où ces propriétaires pouvaient n'avoir aucun droit aux mines qui existent sous leurs fonds : et cependant au pays de Liége, il en est plutôt ainsi qu'autrement.
Aujourd'hui le gouvernement règle ces droits à raison de 5, 10, 15 cens par hectare, et déclare cette redevance perpétuelle et inséparable du fond, de deux choses l'une : si l'indemnité est due au propriétaire du fond, tandis qu'il existe un propriétaire terrageur, il s'ensuit que la loi dépouille l'acheteur pour rendre au vendeur ce qu'il a vendu. Si par une interprétation, on décide le contraire, on retombe dans une nouvelle difficulté, car si l'indemnité doit suivre le fond, tandis que l'objet de cette indemnité en est séparé depuis un siècle et plus, comment le terrageur pourra-t-il exercer ses droits acquis ? "rentut et perennes rivuli quorum intuitus debentur immobilium naturem habeant ob perpetuam causam" Mean, Obs. 98, N° 12. Ainsi donc le cens d'arène est une redevance foncière et héréditaire considérée comme immeuble. Cette redevance affecte toutes les mines auxquelles l'arène a été ou sera communiquée, soit au-dessus, soit au-dessous de sa mer d'eau. À défaut d'arène, cette redevance est due au propriétaire du fond, alors que l'exploitant verse les eaux au jour, elle se paie doublement et simultanément au propriétaire et à l'arènier, si, après s'être servis de l'arène, les exploitants versent au jour les eaux de leurs travaux, (Record du 15 juin 1570). Le cens d'arène existait avant la Paix de St-Jacques, où on le trouve formellement rappelé. Des anciens documens prouvent que depuis l'an 1514 jusqu'en l'année 1629, les propriétaires des arènes du Val-St-Lambert, de St-Hubert, de Brosdeux, du Marteau à Herstal, de Blavier, des Gottes à Flémalle et de Lhonneux à Souhon, ont rendu prises puissance, donation, faculté, permission d'ouvrir sus et en limite de leurs arènes respectives, toutes mines de houille, les uns moyennant le 70me, le 80me du produit brut, les autres moyennant un, deux ou trois pour cent des extractions. Peu à peu l'usage fixa invariablement le cens d'arène au 80me du produit brut des extractions et c'est sur ce pied que les exploitants l'ont constamment acquitté depuis une longue suite d'années.
Cette fixation fait ressortir l'exiguité de la redevance comparée aux bénéfices que les exploitants retirent des arènes. Dans son ouvrage, de ligno et lapide, Krebs, dit que dans les parties de l'Allemagne, où il existe des mines, le droit que l'on perçoit pour les galeries d'écoulement est du 18me et même du 19me des produits et que ces droits sont dus à toute galerie dont le niveau est à dix toises de la superficie. Cependant au pays de Liége, les arènes sont de 30 à 50 toises de sept pieds au-dessous de la superficie, et bien que les exploitants ne paient rien à l'arènier pour établir le siège de leurs travaux, ni pour construire, puits, galeries, bacnures, Bouxtay, Avaleresses, etc. Ils ne considèrent pas moins le cens d'arène comme un tribut onéreux et vexatoire. Toutefois il n'est pas d'arènier qui, dans tous les temps, n'ait passé par tous les degrés d'accommodement et de conciliation pour percevoir son cens d'arène et qui, pour éviter d'emmagasiner son 80me, et d'envoyer un commis toutes les quinzaines sur les lieux pour en compter, ainsi qu'il en avait le droit, n'ai consenti à recevoir le paiement de son cens en argent et d'après une évaluation bien au-dessous de sa valeur réelle. Le cens d'arène a son origine dans les obligations contractées par le Gouvernement envers les arèniers.
En acquittant ces obligations, les exploitants n'acquittent pas une dette, une charge personnelle et dépendante de leur volonté, mais ils paient une dette éminemment nationale, dette qui doit être d'autant plus sacrée pour eux, qu'en commençant leurs travaux, ils n'ont pu ignorer, ni son origine, ni son existence, ni sa légitimité. Le cens d'arène est bien moins inhérent à l'arène qu'à la mine sur laquelle le droit réel de l'arènier pèse tout entier. Ce principe se trouve consacré par un Arrêt de la Cour de Liége, du 20 mars 1811, portant "que le cens d'arène est un droit réel qui doit être acquitté par tous ceux qui exploitent les mines qui lui ont été assujetties", il se trouve plus particulièrement encore consacré par un Arrêt de la Cour de cassation de France, en date du 25 juin 1812, portant que "ce cens a eu pour cause la concession des mines". Il existe aussi un Arrêt de la Cour de Liége, en date du 23 décembre 1808, portant "que le mot cens, étant synonyme du mot rente foncière, doit être regardé comme ayant eu pour cause une concession de fonds par ainsi une concession de mines puisqu'elles partagent la nature du fond." Les Arrêts de cette même Cour, en date des 24 mars 1807 et 25 mai 1809, méritent d'autant plus d'être cités, qu'ils ont pour base la lettre et l'esprit de nos Coutumes.
Le premier déclare "qu'il suffit que les maîtres de fosses se soient servis d'une arène pour être tenus à continuer le paiement du cens, quand même elle leur serait inutile et ne s'en serviraient plus". Le second de ces Arrêts dit : "que le paiement du cens d'arène doit être continué alors même qu'on ne s'en sert plus". On aurait tort d'induire de ces derniers Arrêts, que de ce qu'on ne se sert plus d'une arène, elle est devenue inutile. Une arène peut être inutile par exemple : dans le cas où des exploitants ayant mal conçu le plan de leurs ouvrages, se seraient imaginés qu'en perçant sur une arène, ils auraient obtenu un niveau inférieur à celui qui est résulté réellement du percement. Dans ce cas l'arène à laquelle ils auraient percé peut leur être réellement inutile, mais ils ont forfait et ce délit suffit pour qu'eux et leur successeurs doivent ipso facto, le cens à cette arène. Dans le cas du second Arrêt portant que le cens doit être continué pour l'arène dont on ne se sert plus, il ne s'ensuit pour cela qu'elle soit inutile, car indépendamment qu'elle a servi originairement et que cette circonstance seule suffit pour que le cens lui soit légalement acquis, c'est qu'elle continue à décharger les eaux qui sans elle pèseraient et refouleraient dans tout son district.
Un
Arrêt, rendu le 22 mars 1810 au profit des arèniers de Gersonfontaine
contre les maîtres de Champay, s'exprime ainsi que dans le dernier considérant
: "Attendu en droit, qu'il est de principe en cette matière, que les
maîtres d'une exploitation de houille, sont obligés de payer le cens
d'arène au propriétaire de la galerie d'écoulement qui, en
portant les eaux de leurs ouvrages, leur procure, ou a procuré à
leurs prédécesseurs, les moyens d'exploiter les veines submergées
et sans ce secours, seraient entièrement perdues." Enfin le jugement
rendu par le tribunal de Liége, le 19 février 1806, confirmé
par la cour d'appel, le 28 mars 1808, entre les arèniers de Gersonsfontaine
et les maîtres de Lahaye, est tellement fort de faits et de principes, que
je ne puis m'abstenir d'en faire ici l'extrait. Ce jugement condamne les exploitants
de la Haye, à payer aux arèniers de Gersonfontaine le cens d'arène,
1°
parce qu'il est constant que les travaux de la Haye, sont situés entre
les deux branches de cette arène :
2° parce que les bures approfondis
dans le Bois Mayette y ont été assujettis et que c'est dans ce même
terrein qu'est situé le bure de la Haye.
3° Parce que ce bure la
Haye n'est qu'un ancien bure repris et rétabli par la société
actuelle et qu'il y a forte présomption que ce bure est le même pour
lequel le sieur Boulanger, représenté aujourd'hui par le sr. Jeunehomme
l'un des actionnaires de la Haye, a paié le cens d'arène aux auteurs
des demandeurs.
4° Parce qu'il est une présomption générale,
établie en houillère, que dans l'endroit où un canal légalement
érigé est dominant, les fosses, qui sont ouvertes en cet endroit,
ont versé et versent les eaux sur ce canal, et doivent conséquemment
payer le cens d'arène par le motif que les bures, qui avoisinent un canal
d'écoulement, ont toujours quelques débouchés ou communications
à ce canal, soit par une voie directe et expressément pratiquée,
soit par les vides et anciens ouvrages qui se succèdent, se joignent et
se desserrent l'un à l'autre.
5° Parce qu'il est de principe que
les places vides et les excavations sont tenues pour poursuites du canal qui a
servi à tirer hors d'icelles.
6° Parce que tout bure qui a été
bénéficié dans son origine par une galerie d'écoulement,
ne peut se dispenser de continuer le payement du cens d'arène, quand même
elle lui serait devenue inutile, et ne s'en servirait plus.
7° Parce que
les sociétaires actuels de la Haye ont extrait la mine pendant plusieurs
années et sans en être empêché par les eaux, et qu'enfin
ils versent leurs eaux sous terre, sans qu'ils aient donné aucune indication
de leur décharge.
Ce jugement motivé en entier sur les usages, coutumes et édits, porte avec lui l'empreinte de la science du mineur de l'impartialité la plus exacte, repousse avec équité les moyens des exploitants, et fait honneur aux juges qui l'ont rendu et qui l'ont confirmé. D'après ce qui vient d'être dit, ou cité, on a déjà dû concevoir la possibilité et la justice qu'une exploitation pût être assujettie à servir plusieurs cens d'arène. En effet si, après les premiers travaux établis par le bénéfice d'une arène, une exploitation vient à communiquer à d'autres arènes, soit que cette communication ait lieu du gré des arèniers, soit d'autorité de justice, le cens est dû à chaque arène. Cette réserve était tellement de droit que, sans garantie semblable, personne n'eût voulu construire une arène dans la crainte de perdre les fruits d'une entreprise aussi dispendieuse. Les exploitants eussent été les plus intéressés à tenter le moyens de s'affranchir par des abattemens et des communications illicites, d'un deuxième et même d'un troisième cens.
On
a vu au chapitre 1er, §7, que l'arène du Val-St-Lambert fut abattue
en 1693 sur l'areine de la Cité. Lorsque, par suite de cet abattement,
les eaux furent écoulées, les exploitants se permirent de percer
le massif de la serre qui séparait l'arène de la Cité, de
l'arène Messire Louis Douffet, et abbatirent ainsi clandestinement une
partie des eaux de la première sur la seconde qui lui était inférieure,
aussi furent-ils condamnés à payer trois cens d'arène : le
premier à l'arène du Val-St-Lambert qui avait bénéficié
le siège de leur exploitation, le second à l'arène de la
Cité sur laquelle ils avaient été autorisés à
abattre les eaux de celle-là et le troisième à l'arène
inférieure de Messire Louis Douffet à laquelle ils avaient desserré
et communiqué sans la permission des arèniers, sans enseignement
de justice, et au mépris du Record de l'an 1607. Ces jugemens, portant
condamnation à trois cens d'arène, furent rendu par les Échevins
de la justice souveraine du pays de Liége, le premier à charge du
Sr. Fassin, membre de ce même tribunal et premier ministre du Prince de
Liége, comme propriétaire de l'exploitation site l'Espérance,
le 2° contre le Sr. Piette également Échevin et propriétaire
de l'exploitation dite Mabiet, le troisième contre les propriétaires
de l'exploitation dite Sauvage Mêlée, et le 4° contre les Maîtres
de l'exploitation de la Conquête. Parmi les diverses exploitations qui ont
été assujetties à payer plusieurs cens d'arène, sont
:
1° La houillère Roisthier condamnées en 1591 à payer
deux cens, le premier à l'arène de Messire Louis Douffet, le second
à l'arène de RichonFontaine.
2° Les quatre houillères
dites Jeron aux Tawes, condamnée à payer deux cens d'arène,
l'un à Richonfontaine, l'autre à l'arène Brosdeux.
3°
La houillère dite Mostrandy à Berleur, paya deux cens d'arène,
l'un à l'arène Dordenge, l'autre à l'arène Blavier.
4°
La houillère du Gosson, paya deux cens d'arène, l'un à l'arène
Blavier, l'autre à l'arène Falloise et Borrette.
5° Et enfin
l'exploitation du Beaujonc, par suite des jugemens et arrêts rendus il y
a peu d'année, a dû se soumettre à payer deux cens d'arène,
l'un à l'arène du Val-St-Lambert, l'autre à l'arène
de la Cité.
Ces doubles et tribles cens sont dus par application du record de la cour des Voir-Jurés en date du 12 novembre 1586 lequel porte textuellement : "que le cens d'arène doit s'acquitter à l'arène qui aurait xhorré ou bénéficié autrefois les ouvrages d'une telle fosse comme à celle qui les xhorre et bénéfice actuellement". En définitif Mr. Leclercq procureur-général, dans son mémoire, comme avocat plaidant en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères dites Gosson et Lagasse, a complètement démontré l'analogie qui, d'après la coutume de Liége, existe entre le cens d'arène pour concession de mines et le cens ou rente annuelle pour concession de fonds. "Bien que le cens d'arène se payât, dit-il, en nature, il n'en était pas moins immeuble comme celui dû pour concession de fonds. Et le défaut de payement de l'un ou l'autre de ces cens, donnait à l'arènier, comme au propriétaire, le droit de dessaisir. Le parallèle que Mr. Leclercq établit, pag. 10 et suivantes, entre l'arènier qui est supposé bailler les mines qu'il a conquises et le propriétaire qui baille son fonds, l'un moyennant un cens d'arène, l'autre moyennant un cens payable en nature ou en argent, doit fixer d'autant plus l'attention qu'il le fait suivre d'un rapprochement bien juste "un créancier postérieur, dit-il, a le droit de purger le saisissant en lui payant tous les arrérages.
Lorsqu'une société d'exploitants saisit la part d'un associé pour défaut de payement de sa quote part des frais, l'arènier peut purger l'action du dessaisi sans rien payer : ainsi, ajoute-t-il, l'arènier, exerce le droit d'un propriétaire : il a concédé le droit à un des associés, il le reprend dès que celui-ci ne peut l'exercer, il ne permet pas que son abandon le transfère à un autre associé". "L'arènier, continue Mr. Leclercq, a constitué son cens sur les mines que domine son arène, comme le propriétaire concède son fonds pour un cens ou rente annuelle : le preneur d'un fonds peut remettre, en mains de son vendeur, l'héritage qu'il a acquis, en quittant la vesture d'icelui, le contrepant et tous les arriérés avec un an à échéoir : de même l'exploitant, qui abandonne, fait déguerpissement de ses ouvrages en offrant à son rendeur, son bure et tous les équipages et ustenciles de l'exploitation, ce qui équivaut à la remise de vesture et au dédommagement que reçoit le rendeur d'un fonds par le contrepant et un an à écheoir". Néanmoins qu'il me soit permis de présenter ici une observation : de tout ce qui vient d'être dit pour démontrer que le cens de l'arène et le cens provenant d'un rendage de fonds, tiennent de la même nature et ont des effets à peu près semblables dans leurs résultats, on ne pourrait, ce me semble, induire avec fondement qu'il y a identité de droit pour les preneurs. Le rendeur d'un fond, moyennant le capital qu'il reçoit pour contrepant et moyennant une rente foncière et annuelle qui est aujourd'hui rachetable, se dessaisi de sa propriété. L'arènier, au contraire ne se dessaisit de rien : seulement il abandonne une portion de son droit d'exploiter dans telle partie du district de son arène, moyennant la réserve du 80me du produit brut des extractions. En conséquence l'arènier conserve non-seulement le domaine utile de toute son arène, mais encore l'exercice de tous ses droits et prérogatives, il conserve en un mot son titre primitif dans toute son intégrité. D'où il suit que le cens d'arène n'est point et ne peut être rachetable.
§
II DROITS DE ARÈNIERS MAINTENUS PAR LES LOIS ACTUELLES.
Depuis la révolution
et notamment depuis la suppression de fait de la cour de Voir-Jurés, donc
depuis 1794 jusqu'en 1805, les exploitants s'étaient crus affranchis de
remplir leurs obligations envers les arèniers : ceux-ci de leur côté,
presque tous dans la classe des rentiers et des propriétaires, ne virent
dans l'oubli de leurs droits, qu'un nouveau sacrifice que leur imposaient les
circonstances. Néanmoins de nombreux jugemens et arrêts, s'étant
accumulés depuis 1804 jusqu'en 1809 sur les propriétaires d'exploitations
les plus importantes, déterminèrent ces propriétaires, en
l'année 1809, à se pourvoir auprès du gouvernement français
pour qu'il saisît l'autorité administrative des contestations qu'ils
soutenaient avec désavantage contre les arèniers. Ces derniers,
éveillés par une attaque aussi inattendue, firent parvenir au ministre
de l'intérieur et au conseil d'état, par l'intermédiaire
du préfet de l'Ourthe, des mémoires et des documens propres à
justifier et leurs titres et leurs droits : ils firent de plus parvenir un mémoire
au comte Laumont, directeur général des mines.
Alors intervint l'avis du conseil d'état du 29 août 1809, confirmé par l'Empereur le 20 septembre suivant, et dont je crois indispensable de transcrire ici en entier les dispositions, " Le conseil d'état qui, d'après le renvoi ordonné par Sa Majesté, a entendu le rapport de la section de l'intérieur sur celui du ministre de ce département, tendant à faire juger administrativement les contestations nées et à naître entre les propriétaires des arènes ou galeries d'écoulement et les concessionnaires des mines de houille relatives au droit de cens d'arène, et en conséquence de surseoir à l'exécution des jugemens et arrêts qui auraient pu être rendus jusqu'à ce jour au profit desdits propriétaires d'arènes contre des concessionnaires des mines et notamment à l'exécution des jugemens et arrêts rendus par le tribunal civil et en la cour d'appel à Liége." "Est d'avis qu'attendu que la question a été portée devant les tribunaux suivant les anciens usages établis, et jugée suivant les formes adoptées dans le pays de Liége, que le nouveau système adopté par la loi sur les mines qui doit être portée à la prochaine session du corps législatif, déterminera les mesures à prendre à l'avenir en pareille circonstance et que la question présentée par le ministre se trouve décidée par cette loi." "Il n'y a pas lieu à statuer sur la proposition du ministre". Voici maintenant comme cette question se trouve décidée par la loi du 21 avril 1810, art. 41 et 55. Art. 41, "ne sont point comprises, dans l'abrogation des anciennes redevances, celles dues à titre de rentes, droits et prestations quelconques pour cession de fonds" "ou autres causes semblables sans déroger toutefois à l'application des lois qui ont supprimé les droits féodaux".
Il répugne au bon sens que les droits de cens d'arène soient entachés de la moindre féodalité et néanmoins on a fait valoir ce moyen devant les tribunaux. Art. 55 "en cas d'usages locaux ou d'anciennes lois qui donneraient lieu à la décision de cas extraordinaires, les cas qui se présenteront seront décidés par les actes de concession ou par les jugemens de nos cours et tribunaux selon les droits résultant pour les parties des usages établis, des prescriptions légalement acquises et les conventions réciproques." Voilà bien, ce semble, la question soumise par le ministre, clairement décidée : voilà les droits des arèniers bien placés sous l'égide de la loi et sur les plateau de la balance. Si en outre l'on se reporte aux discours des orateurs, on ne pourra s'empêcher de reconnaître que l'intention des législateurs, comme celle de la loi même, a été, non pas d'ajouter, mais bien d'imprimer aux droits des arèniers, le sceau ineffaçable de la justice.
§ III LES ARÈNIERS
SONT-ILS DANS L'OBLIGATION D'ENTRETENIR ET RÉPARER LES ARÈNES ?
Cette
question aussi délicate qu'intéressante se résolverait tout
entière à l'avantage des exploitants si elle pouvait être
présentée dans le cas simple et chacun dira d'abord : qui sentit
commodum debet sentie incommodum. Pour mettre cette question dans son véritable
jour, il est nécessaire de remonter à la source des titres et droits
des arèniers. Nous avons vu que le Gouvernement Liégeois a provoqué,
protégé, encouragé, dans l'intérêt public, la
construction des arènes : Nous avons vu que ce n'est point avec les exploitants,
mais bien avec le Gouvernement, que contractèrent les Notables et les établissemens
les plus fortunés du Pays, qu'ainsi la construction des arènes eut
lieu, non à la réquisition, pour le service et l'intérêt
particulier des exploitants, mais pour et dans l'intérêt de la société
entière. Nous avons également vu que pour reconnaître l'important
service qu'ils ont rendu à la chose publique (et ob perpetuam causam),
ils jouirent du droit d'exploiter les mines qu'ils avaient conquises et qu'ils
conquereraient par la suite, ou de recevoir à l'extraction le tantième
que l'usage fixa au 80me. Ainsi, l'arène étant construite, ne peut-on
pas dire que les deux parties contractantes, satisfaites l'une de l'autre, ont
rempli complètement leurs obligations et qu'elles n'ont plus rien à
s'exiger respectivement ? Le 16 novembre 1625, la cour des Voir-Jurés déclara
: "que l'établissement des arènes Redonde plus au profit du
Prince et de la chose publique, qu'à ceux qui les ont faites et procurées".
Comment se fait-il donc que des tiers, des exploitants viennent dire aux arèniers
: "Entretenez vos arènes. Nous nions que vos arènes, bénéficient
ou aient bénéficié nos ouvrages. Actor debet venire paratus
in judicio ?"
Je ne ferai point aux exploitants l'injure de leur attribuer de semblables moyens qui décèlent une profonde ignorance de la matière. Mais pourquoi donc adresser des questions et des dénégations semblables, plutôt aux arèniers qu'au Gouvernement même, qui seul, pouvait dans le principe imposer cette obligation aux arèniers, et qui cependant ne l'a pas fait ? Que les arèniers exploitants aient entretenu leurs arènes, cela se conçoit, cela devait être, mais hors de ce cas, les arènes placées sous la Sauve-Garde des Lois, sont des monumens publics dont la charge est tout entière à ceux qui en usent et en profitent dans leur intérêt privé. Si d'une part, l'on considère que les conventions entre le Gouvernement liégeois et les arèniers n'imposaient au premier, c'est-à-dire, au Gouvernement, ni avances ni remboursement de fonds, si l'on considère d'autre part, qu'en se livrant à des travaux préparatoires, les exploitants jouissaient comme ils jouissent encore, des bénéfices des arènes sans rien payer à l'arènier, si l'on considère en général qu'à défaut d'exploitations en activité dans le district de leurs arènes, des arèniers se sont vu frustrés de tous cens d'arène pendant des années entières et qu'enfin il n'en est aucune qui ait été ni pu être couvert, je ne dirai pas des frais de l'entreprise, mais de l'intérêt de son capital, il sera facile de se convaincre qu'aucun arènier n'a consenti ni pu consentir à se charger de la réparation et de l'entretien des arènes, et encore, faudrait-il avant tout démontrer qu'il a été dans la pensée du Gouvernement, de leur en imposer l'obligation.
L'art. 8 de la Paix de St-Jacques, est ainsi conçu : "Item, usage est que toutes arènes faisant forches, une ou plusieurs, que de l'oeil de l'arène jusqu'à la forche, qu'elles doivent être entretenues aux communs frais et costenges, et de la forche en amont, que chacun doit tenir son leveau à ses frais et costenges tellement qu'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre." Cette disposition, la seule qui décide de la question, la seule qui exprime la volonté du législateur, paraît aussi claire que précise : car, à qui s'appliquent les mots chacun, communs frais et costenges, que l'une partie n'ait pas de dommages pour l'autre, si ce n'est aux exploitants ? Comment donc une question si simple a-t-elle pu être vue sous différentes faces ? On ne pourrait citer une arène qui fasse fourche depuis son embouchure jusqu'au steppement et cela fût-il, cela ne détruirait en rien, ce que je viens de dire. L'arène proprement dite ne commence qu'au steppement, c'est-à-dire, à la veine, jusque là, c'est une véritable galerie d'écoulement, mais formant un tout indivisible avec l'arène. Or, quand l'article pécité dit : que toute arène faisant forche, une ou plusieurs doit être entretenue aux communs frais et costenges ce mot communs ne peut concerner l'arènier dont la propriété est indivise, mais il doit nécessairement s'appliquer aux exploitants dont les travaux viennent communiquer à l'arène, où les eaux arrivent et se déchargent sur des points différens. Remarquez bien, je vous prie, que cet article ne parle pas de l'oeil de l'arène jusqu'au steppement, mais bien de l'arène jusqu'à la fourche, or, cette fourche s'opère dans la distance de son oeil au steppement, ce qui n'est pas, ou bien au-delà du steppement, il importe peu, il s'en suivra toujours que, de l'oeil à la fourche, l'entretien doit avoir lieu aux communs frais et costenges. Cette solution se trouve corroborée par la suite de ce même article "et de la forche en amont que chacun doit tenir son leveau (niveau) à ses frais et costenges, tellement que l'une des partie n'aie pas de dommages pour l'autre". Ce dernier terme, corollaire de la proposition, lève tous les doutes. On y voit les travaux des exploitants, entrepris sur la veine où l'arène repose son front, se rapprochant de celle-ci et cherchant chacune à y jeter, à la moindre distance possible, leur encre d'espérance et de salut. C'est, à ce point de communication avec l'arène, que les exploitants viennent recevoir de l'arènier le droit d'exploiter les veines qu'ils pourront atteindre, c'est aussi là que commence pour l'arènier le droit d'accession (ob perpetuam causam) droit sacré que le gouvernement lui-même est tenu de lui garantir. De quelque côté donc qu'on envisage l'art. 8 de la paix de St-Jacques, il paraît impossible d'y rien y trouver qui autorise l'allégation que c'est aux arèniers à entretenir et réparer les arènes. Ceux-là sont dans une bien grande erreur, ce semble, qui, pour étayer ce principe, invoquent les termes dont s'est servit Louvrex en commentant cet article.
En analysant l'art. 8 de la paix de St-Jacques, Louvrex dit : "arène faisant fourche doit être entretenue aux frais communs des arèniers jusqu'à la dite fourche, et plus haut à proportion que chacun s'en sert. Des deux choses l'une : Louvrex n'a entendu ni pu entendre parler ici que des arèniers exploitants eux-mêmes, ou bien il a qualifié d'arèniers les exploitants qui construisaient des xhorres pour parvenir à l'arène : cette qualification se retrouve fréquemment dans les anciens actes, où l'on voit les mots xhorre et arène pris dans la même acceptation. Quoiqu'il en soit, dans l'origine, les arèniers étaient presque tous chefs d'exploitations, c'est ce que prouvent les anciens documens, où l'on voit que les exploitants étaient les ouvriers et serviteurs des arèniers. Dans le temps même, où vivait Louvrex, les arèniers avaient pu cesser d'être chefs d'exploitations, mais les exploitants, pour acquérir titres, étaient alors ou arèniers, ou aux droits des arèniers, en sorte que Louvrex qualifie d'arèniers, les exploitants qui avaient xhorrés et conquis en vertu de l'édit de 1582. Si cette explication pouvait encore laisser quelque doute, je ferais à ceux qui prétendront opposer le commentaire à la Loi, les deux questions suivantes : comment appliquer aux arèniers qui, en général ne sont ni ne peuvent plus être exploitants par la trop grande division de la propriété des arènes, comment dis-je, appliquer aux arèniers ces mots : A proportion que chacun s'en sert ? un arènier non exploitant, et il en exista toujours, s'est-il jamais servi de son arène ?
Deuxièmement, et en supposant très gratuitement sans doute, que Louvrex eût entendu parler des arèniers non exploitant, l'opinion ou l'erreur d'un particulier peut-elle être au dessus de la Loi, et prévaloir à ces séries séculaires de records, de jugemens, de transactions qui, depuis l'an 1514 jusqu'à nos jours, prouvent que l'usage constant a toujours été que la réparation et l'entretien des arènes incombaient aux exploitants ? L'art. 8 de la paix de St-Jacques, et le commentaire qu'en a fait Louvrex, sont, quant à la lettre et à l'esprit, en harmonie parfaite : de leur rapprochement, de leur combinaison, résultent l'évidence, que ce n'est point aux arèniers, mais bien aux exploitants, aux exploitants auxquels seuls les termes dispositifs peuvent d'appliquer, à entretenir les arènes, et ce, "à leurs communs frais et costenges et de la forche en amont que chaque doit tenir son leveau à ses frais et costenges à proportion que chacun s'en sert tellement que l'une partie n'ait pas de dommage pour l'autre. En pesant tous ces mots, il est impossible, je le répète, d'en appliquer un seul aux arèniers alors qu'ils n'exploitent pas.
Mr Leclercq, dans son Mémoire en cause des propriétaires de l'arène Blavier contre les maîtres des houillères Gosson et Lagasse, page 21 inclus 25, a donné à cette matière les plus amples développements : ces raisonnements sont sans répliques. Ce jurisconsulte éclairé, répond aussi à une objection dont les exploitants se sont fait un moyen contre les arèniers. L'art. 1er de la Paix de St-Jacques, statue : "Que les profits de l'arène doivent suivre à celui qui l'a construite, ainsi qu'à ses successeurs après lui : si donc ne la perdaient ou méfaisaient de leur coulpe." De ces dernières expressions, les exploitants ont tiré l'induction qu'un arènier, qui n'entretenait pas son arène, ou qui la laissait obstruée, avait méfait de sa coulpe. La manière dont Mr Leclercq, a relevé ce raisonnement, en a fait ressortir tout le ridicule. Indépendamment qu'on ne voit pas par quel motif des arèniers non exploitants chercheraient à perdre leur arène et méfaire de leur coulpe, puisque d'un côté, ils se nuiraient à eux-mêmes, et que d'un autre, ils s'exposeraient à être poursuivis comme tout autre Citoyen qui aurait porté atteinte au cours des arènes, c'est qu'il est incroyable que l'on puisse considérer l'arènier comme coupable d'un méfait, alors qu'il n'y aurait que négligence de sa part. Ici, le mot méfait, dans sa véritable acceptation, signifie une mauvaise action qui porte préjudice à autrui, or, ce qui porte réellement préjudice à autrui est un délit. Comment donc caractériser de délit, la négligence qu'aurait apportée l'arènier à réparer une arène en supposant qu'il ait été tenu à cette réparation ?
Toujours l'art. 1er de la Paix de St-Jacques à la main, les exploitants ont encore cru trouver dans le N° 5, un moyen favorable à leur système. "S'il arrivait qu'aucune araine, stronlasse ou remontasse au-devant quelque parte que ce fust en lieu de la droite course, celui à qui l'araine seroit, la peut aller requérir et discombrer parmi les dommages de l'héritage desseur." Dans ce texte, les exploitants croient apercevoir l'obligation aux arèniers d'entretenir et réparer les arènes. Il est palpable que cette induction est purement arbitraire. Pour reconnaître une arène que l'on a méchamment encombrée, il faut bien y pénétrer : pour y pénétrer il faut bien faire enlever les encombres : or, faire enlever les encombres dans le but indiqué, est-ce la réparer ? Quelle est donc cette manie de métamorphoser en obligation une véritable prérogative dont les exploitants ne pourraient user ni se prévaloir eux-mêmes, qu'en se disant autorisés par l'arènier ? L'on concevra aisément que si les arèniers avaient le droit de faire surveiller, aux dépens des exploitants mêmes, les travaux souterrains, tant pour assurer la conservation de leurs droits que pour connaître les points ou les limites jusqu'où ils pouvaient les exercer, il était également naturel que ce droit, de faire surveiller, s'étendît depuis l'oeil de l'arène jusqu'au steppement.
Mais suit-il delà, que le droit d'aller à la recherche de leur arène, dans les propriétés d'autrui et de les discombrer pour poursuivre cette recherche, emporte implicitement l'obligation de les entretenir ? non sans doute, assurément non, le droit de poursuivre et de discombrer une arène, ne pouvait être conféré directement aux exploitants pour une raison qui se présente d'elle-même, c'est que le Gouvernement contractait, non avec des exploitants qui ne tenaient de lui aucune concession, mais avec les arèniers dont il voulait encourager les entreprises en donnant à leurs titres le sceau de la garantie et de la perpétuité.
CHAPITRE
III
Des Exploitants.
PARAGRAPHE
PREMIER. ORIGINE DES TITRES DES EXPLOITANTS.
On sait généralement,
qu'au pays de Liége, les mines appartenaient aux propriétaires de
la surface, on sait aussi que ces mines pouvaient être, ainsi que leur exploitation,
des objets de transactions entre particuliers, et qu'enfin, la propriété
de la surface et la propriété des mines, gissant sous cette surface,
pouvaient se trouver en des mains différentes, de sorte qu'il pouvait y
avoir un propriétaire superficiel et un propriétaire terrageur.
Mais ce qui aujourd'hui est moins connu, c'est que l'ancienne législation,
dans l'intérêt de la société, autorisait la Conquête,
c'est à dire, la faculté de se faire adjuger judiciairement l'extraction
des couches de mines que les propriétaires superficiels ou terrageurs étaient
constitués en défaut de pouvoir exploiter. Cette Conquête,
qui ne blessait en rien les droits de propriété, s'opérait
judiciairement. Lorsqu'un exploitant était parvenu à se mettre,
du gré de l'arènier, en communication avec une arène, il
faisait sommation aux propriétaires des mines de les exploiter.
Ceux-ci ne pouvant mettre la main à l'oeuvre sans construire eux-mêmes une xhorre pour communiquer à l'arène, opération beaucoup trop dispendieuse pour des propriétés divisées, les Tribunaux accordaient une adjudication de conquête, c'est-à-dire, le droit d'exploiter les mines sous les terrains des propriétaires auxquels sommation avait été faite, et qui se trouvaient ainsi légalement constitués en défaut de pouvoir opérer cette extraction par eux-mêmes. Ces adjudications de conquêtes, n'embrassaient pas et ne pouvaient pas embrasser, comme aujourd'hui, une surface plus ou moins étendue et délimitée, mais s'opéraient au fur et à mesure que l'exploitant se trouvait en état d'abattre par ses travaux les eaux sur l'arène : elle s'opéraient à l'égard de chaque propriétaire : chaque propriétaire devait recevoir une sommation et était admis individuellement et contradictoirement à s'opposer à l'action de conquête. Si l'adjudication de conquête avait lieu, le propriétaire, soit du terrain et de la mine, soit de la mine seule, recevait pour indemnité le quatre-vingtième du produit brut des extractions qui s'opéraient dans son fond.
Cette redevance s'appelait droit de terrage. Ainsi donc, les grandes exploitations n'ont été, ni pu être établies que par des actes de conquêtes. Il eût été impossible aux exploitants de trouver tous les propriétaires des terrains, où devaient s'étendre leurs travaux, disposés à ne faire ni opposition ni résistance. Et certes, que de parcelles de propriétés ne contient pas une exploitation ? Que de centaines de ces parcelles ne renferment pas une concession moderne ? Cependant, pour obtenir aujourd'hui des concessions de mines de houille, quels sont les titres d'exploitants ? Ne sont-ce pas ceux qu'ils tenaient de l'ancienne législation ? Ne sont-ce pas les actes de conquête ou tout au moins les travaux qui en ont été la suite ? Que deviendraient leurs titres d'exploitation s'ils écartaient, soit les conquêtes adjugées à leurs auteurs, soit les ouvrages que ceux-ci ont entrepris au moyen des arènes ? Tous les ouvrages actuels ne doivent leur existence qu'aux arènes sur lesquelles reposent toutes les entreprises et desquelles dérivent, en seconde ligne, tous les droits des exploitants. Je dis en seconde ligne, car d'après ce qui a été démontré au chapitre 2, section 2, le titre primitif de concessionnaire appartient à l'arènier, au lieu et degré duquel se trouve l'exploitant, en tant qu'il remplit ses obligations. Se refuser au service du cens d'arène, n'est-ce pas replacer de fait l'arènier dans ses droits ? Cette question pourra peut-être paraître bien étrange, cependant si les mines, aujourd'hui concédées par le Gouvernement, sont d'après la Loi du 21 avril 1810, titre 2, art. 7, considérées comme propriété perpétuelle, dont les concessionnaires peuvent être expropriés dans les cas et selon les formes prescrites pour les autres propriétés, pourquoi les arèniers n'auraient-ils pas, comme le Rendeur d'un fond, le droit de faire déguerpir ? Les droits des arèniers le cèderaient-ils à celui d'un prêteur de fond ou de tout autre créancier ?
§
II. MOYENS DES EXPLOITANTS POUR S'AFFRANCHIR DU CENS D'ARÈNE.
Les discussions
entre les arèniers et les exploitants n'offrirent jamais autant d'intérêt
que de nos jours. Les exploitants ont un axiome qui prouve qu'ils redoutent peu
les discussions : un trait de plus, disent-ils, et nous plaiderons. Je l'ai dit,
et je le répète : autant que personne, j'apprécie ce que
la société doit aux exploitants, surtout à ceux d'entr'eux
dont les travaux tendent à suffire au présent et à conserver
pour l'avenir, qui, satisfaits de recueillir la juste indemnité due à
leur mise de fonds, à leurs soins, à leurs veilles, aux dangers
de leur entreprise, cherchent par des travaux sagement combinés, prudemment
dirigés, à ménager à la postérité une
richesse minérale, dont dépendent les branches les plus essentielles
de l'industrie de cette province : mais, c'est encore ici le cas de dire qu'il
est des bornes que l'on ne peut outrepasser, sans léser les intérêts
des uns et des autres. Les contestations entre les arèniers et les exploitants,
qui feront la matière de ce paragraphe, rentrent dans le domaine judiciaire.
Néanmoins les exploitants,
ayant tenté de s'affranchir de leurs obligations envers les arèniers,
soit par les actes de concession qu'ils sollicitent, soit par des dispositions
d'administration générale, il m'a paru important de développer
la matière. Les moyens généralement employés par un
grand nombre d'exploitants, sont :
1° Le défaut d'entretien des
arènes,
2° leur inutilité depuis l'établissement des
pompes à vapeur,
3° une dénégation absolue d'avoir
des travaux établis dans le district de telle ou telle arène.
Je
crois avoir suffisamment démontré au chapitre 2, section 3, combien
était peu fondée la première objection, la seconde, sera
l'objet du dernier Paragraphe de ce chapitre, quant à la troisième,
c'est-à-dire, à dénégation absolue d'avoir des travaux
établis dans le district de telle arène, cette objection va être
pleinement réfutée. Nulle fosse, nulle exploitation sans arène,
tel est l'axiome du mineur liégeois.
Le record de la cour des Voir-Jurés du 20 novembre 1612, celui du 20 juillet 1618, portent textuellement qu'il est nécessaire et qu'il est de règle que toute société de houillerie doit avoir un arènier et lui payer le cens d'arène. Le premier de ces records a été confirmé par le conseil ordinaire, en sa double qualité de conservateur des privilèges impériaux et de juge d'appel, il a de plus été souscrit par les principaux exploitants de cette époque. Dans un Mémoire, que fit le procureur général et avocat Raick, pour les arèniers Blavier, et bien qu'il fût lui-même propriétaire d'exploitations de première classe, notamment de celle de Bonnefin, on trouve : qu'il est impossible de travailler les veines dessous eau, soit par machine à feu, soit par l'effet de la tinne ou tonneau sans le secours des arènes.
Le rapport des experts dont j'ai parlé au premier chapitre, § 4, se termine ainsi : "Nous avons reconnu que les mines de houille étaient ci-devant xhorrées et submergées, et que, depuis qu'on a laissé jus (laissé bas) les eaux qui les noyaient et submergeaient, elles sont rendues ouvrables par le bénéfice de la xhorre (arène) Falloise et Borret, au défaut de laquelle il serait impossible de les travailler, d'autant qu'ils ont reconnu que le niveau d'eau, provenant des ouvrages susmentionnés et autres circonvoisins, ne pourrait abstraire avec aucune machine de quelle invention qu'elle puisse être. Ce que les comparans ont affirmé par serment, là même prêté, et après lecture ont persisté." Après toutes ces autorités, comment admettre aujourd'hui la dénégation des exploitants qui prétendent se suffire à eux-mêmes, pour l'épuisement des eaux, et qui, sans vouloir admettre aucun arènier, opposent, à celui d'entre les arèniers qui se présente le premier, qu'ils n'usent ni ne profitent d'aucune arène ? Une telle dénégation ne peut avoir d'autre but que de placer les arèniers dans une position processive.
Autrefois, c'est-à-dire, avant le système des concessions, quels étaient les titres des exploitants pour étendre leurs travaux aux veines dont ils n'étaient ni propriétaires, ni terrageurs, ni permissionnaires ? Quels étaient les titres dont ils se prévalaient pour obtenir la conquête des mines ? C'étaient assurément et uniquement les moyens qu'ils avaient d'épuiser les eaux qui empêchaient les propriétaires de les exploiter par eux-mêmes. Quels étaient ces moyens ? La xhorre ou les vides qu'ils avaient pratiqués et qui les mettaient en communication avec l'arène. Comment avaient-ils pratiqué cette communication ? En demandant à l'arènier l'autorisation, autorisation qui plaçait alors l'exploitant, à l'égard des propriétaires et terrageurs, aux lieux, places et degrés de l'arènier qui, toujours fut considéré, aux yeux de la Loi, comme concessionnaire primitif des mines qu'on n'eût pu exploiter sans le secours, sans le bénéfice de son arène. Delà l'usage que tout exploitant, voulant continuer ou reprendre une exploitation, ou bien en changer le siège, se fût bien gardé d'abandonner les anciennes dénominations des fosses ou exploitations sur les ruines desquelles il reprenait les travaux, puisque son titre y était inhérent.
Il n'en est plus de même aujourd'hui : les concessions, tenant lieu de titres, le plus grand nombre des exploitants ont changé le nom de leur établissement, et sous une seule dénomination, devenu concessionnaires de 3 à 400 hectares, et plus, dans l'étendue desquels il existait anciennement un plus ou moins grand nombre de houillères qui payaient le cens d'arène, ils ont pensé, peut-être, réussir ainsi à s'affranchir d'une redevance qui originairement a été leur seul et unique titre. Si, suivant le Record de 1607, "les arènes sont la cause mouvante et efficiente des ouvrages des mines et que, sans elles, ces ouvrages n'eussent pas été faits. Comment admettre aujourd'hui que les exploitants ne doivent aucun cens d'arène, sous prétexte qu'ils n'usent d'aucune arène ? Comment surtout admettre le refus des exploitants de payer le cens d'arène au premier arènier qui le réclame, et dont l'arène domine dans les lieux circonvoisins ? Les exploitants, bien plus que les arèniers, ont la preuve du bénéfice qu'ils reçoivent de telle ou telle arène. Cette preuve, ils la trouvent d'abord dans le niveau des eaux, ils la trouvent dans les registres des comptes des houillères qui environnent le siège de leur exploitation et à l'égard desquelles ils sont, pour la plupart, aux titres des anciens possesseurs, ils la trouvent cette preuve, dans la même inclinaison, dans le même pendage des veines, ils la trouvent, non dans les entreprises des arèniers, mais dans leurs propres travaux, ils la trouvent enfin dans l'obligation où ils sont de reconnaître une arène et de lui payer le cens.
Le 23 septembre 1614, Curtius, échevin de Liége, fait assigner le commissaire Mathieu Lejeune et le Sr. Piette, maîtres de la houillère du Neubure et leurs ouvriers, vu, dit-il, "que ce lieu est situé en lieu suspect, (c'est-à-dire, en lieu douteux,) entre les arènes d'elle Vaux-St-Lambert, de la Cité, et de Falloise et Borret, ces deux dernières appartenant audit Curtius, afin que lesdits maîtres et ouvriers aient à cesser de toute oeuvre par ladite fosse, jusqu'à ce qu'ils aient judiciellement déclaré de quelle arène se sont servis, soy servant, et veulent se servir au soulagement des ouvrages de ladite fosse, et jusque à ce encore qu'ils montrent ou fassent apparoir d'être besoignans par grez des herniers, (arèniers,) avec enseignement de justice compétent, autrement voir protester de toutes forces, foules, dommages et intérêts." Le lendemain 24, le Sr. Jennet, pour lui et ses consorts, a allégué qu'ils "soy sont servis et soy servant et soy veulent servir présentement de l'arène Tricnar, et point d'autres, et ce, par le greit du Seigneur hernier d'icelle." Voilà donc bien l'exploitant forcé de déclarer l'arène dont il se sert, et cette obligation qui lui est imposée, d'où résulte-t-elle ? N'est-ce pas la nécessité généralement reconnue que toute exploitation doit avoir une arène ? Cette nécessité était, et est tellement absolue, tellement impérieuse, que les anciens Tribunaux adjugeaient toujours, soit provisoirement, soit moyennant caution, le cens d'arène à celui qui présentait un droit apparent, tel que le voisinage des houillères où il recevait le cens d'arène.
§
III. ATTEINTES ET DOMMAGES CAUSÉS AUX ARÈNES.
Depuis que la révolution
vint mettre un terme à l'action et la surveillance de la cour des Voir-Jurés,
jusqu'au moment où le Gouvernement français s'occupa sérieusement
de rétablir l'ordre dans les exploitations, il s'est écoulé
un espace de 12 à 15 ans, pendant lesquels les mines de houille furent
pillées et dévastées de la manière la plus désastreuse
pour la fortune publique. Pressés, non seulement de jouir, mais de se couvrir
de leurs capitaux, le grand nombre des exploitants osèrent enlever les
serres et les piliers qui, placés sous la Sauve-Garde des Lois, étaient
consacrés à la sûreté des mineurs et aux limites des
arènes. Aussi les désserremens, les éboulemens, les percemens
clandestins, non-seulement ont fait périr un grand nombre de mineurs, mais
ont établi entre les arènes des communications, dont les exploitants
sont justement responsables.
En effet, si des éboulemens portent obstacle au libre écoulement des eaux dans une partie quelconque d'un district d'arène, si, pour se soustraire au cens d'arène, on abat furtivement les eaux d'une arène supérieure à une inférieure, ou si, pour faire croire qu'une arène est desséchée à son embouchure, on construit des canaux ou des xhorres pour détourner les eaux de cette embouchure, si par suite on exécute des travaux de destruction dans le canal principal de l'arène ou dans l'arène même, soit en portant atteinte à ses Mahais ou aux ouvrages qui en dépendent, que peuvent donc les arèniers contre de tels attentats ? Et comment pourraient-ils être tenus, ni de les constater, ni d'en poursuivre la réparation à leurs dépens ? Celui qui érige à ses frais un monument à la gloire ou à la prospérité de sa patrie, fût-il jamais tenu de le faire surveiller et de le faire entretenir ? Je le répète, je le demande encore, que peuvent les arèniers de toutes ces atteintes portées à la propriété publique et à la sûreté des mineurs ? D'après quels principes, d'après quelle législation, les arèniers pourraient-ils être tenus de réparer des méfaits dont ils ne sont ni ne peuvent être supposés les auteurs ? En un mot, de rendre aux eaux de leurs arènes leur issue ordinaire ?
Certes si, dans le district d'une arène, il arrivait que les eaux remontassent au-dessus de la mer d'eau, preuve unique et certaine que l'arène serait obstruée de toute part, je le demande, pourrait-on l'imputer à l'arènier, pourrait-on l'en rendre responsable ? Voilà pourtant où en ont voulu venir quelques exploitants. Ceux-ci diront sans doute, et vraisemblablement ils l'auront déjà dit, ou fait dire, qu'en empêchant l'écoulement des eaux de leurs travaux sur l'arène, ils se nuiraient à eux-même : cette réponse, si elle était faite par les arèniers, serait sans réplique, mais elle est spécieuse de la part des exploitants. Il n'est pas sans exemple que pour tenter de se soustraire, soit au cens d'arène, soit au droit de versage, des expoitans aient fait temporellement, et alors, que leurs ouvrages n'étaient point encore parvenus à une bien grande profondeur, tomber les eaux dans les vides de leurs ouvrages.
On en a vu d'autres user du même moyen, pour assécher l'oeil d'une arène, au moment d'une descente juridique, et enfin, n'a-t-on pas vu des exploitants se constituer en dépenses pour construire, à quelques pieds de la superficie, des canaux qui détournaient les eaux de l'oeil de l'arène ? Des jugemens de la cour des Voir-Jurés ont fait justice de semblables manoeuvres : cette cour, composée de personnes qui connaissaient elles-mêmes l'art d'exploiter, ne pouvait aisément prendre le change. Au surplus, il n'est pas une arène, une seule arène qui, malgré tous les méfaits et délits des exploitants, n'ait, dans tout son district, le même niveau d'eau qu'elle avait, il y a quatre siècles. Aussi l'art. 2, de la Paix de St-Jacques, porte : "Et nous tenons tous en tels points, toutes arènes eaux, pourchasses et rottices pour charbons xhorrés, aussi bien en délivre, comme courant au jour, mais que ladite délivre en avant ait ouverture aux eaux courantes a droit leveu." Délivre, c'est ce que les mineurs appellent Delouxhe, c'est-à-dire, issues souterraines que les eaux se font avant d'arriver au canal.
§
IV. DES CONTESTATTIONS MODERNES ENTRE LES EXPLOITANTS ET LES ARÈNIERS.
En
l'année 1809, les exploitants se pourvurent au Gouvernement français,
afin de 'paralyser l'exécution des jugemens et arrêts' qu'avaient
obtenus contr'eux les propriétaires d'arènes : ils tentèrent
en outre de faire juger administrativement les prétentions des arèniers.
De deux choses l'une : ou les exploitants espéraient que, près des
autorités administratives, les avis des ingénieurs pourraient donner
un jour plus favorable à leur cause, ou ils espéraient que l'autorité
administrative, sacrifiant les droits des arèniers à l'intérêt,
suivant eux, de la chose publique, leurs oppositions auraient plus de succès.
En l'an 1816, ils exposèrent encore au Gouvernement de la Belgique, comme ils d'avaient fait au Gouvernement français, que les arènes n'étaient plus utiles à leurs travaux, que la plupart des canaux étaient obstrués et ruinés, que l'eau ne se montrait plus à leur embouchure, et qu'enfin, les arèniers s'obstinaient à ne point les entretenir, ni réparer. Pour étayer leurs moyens, les exploitants se prévalurent d'un arrêt rendu le 9 pluviôse an X, par la Cour de Liége, au profit des maîtres de l'exploitation Gosson, contre les arèniers de Falloise et Borret, Arrêt motivé, sur ce que, le canal de cette arène, était obstrué et desséché. Le public a su que cet Arrêt n'avait été rendu qu'à la majorité d'une voix, et par une Chambre dont la majorité a pu bien certainement paraître étrangère à la matière, ce qui semble confirmer cette opinion, c'est que dans une cause identique, que soutenaient les mêmes exploitants, contre les propriétaires de l'arène Blavier, le Tribunal de première instance, sans égard à l'arrêt du 9 pluviôse an X, adjugea par jugement du 9 mai 1826. Le cens d'arène aux arèniers de Blavier.
Une
autre section de ce même Tribunal, et nonobstant tous les moyens puisés
dans ce même arrêt, du 9 pluviôse an X, adjugea par jugement
du 23 février 1815, confirmé par la Cour supérieure de justice
de Liége, le cens aux propriétaires de l'arène du Val-St-Lambert.
Dans cet état de choses et bien que nantis de l'Arrêt du 9 pluviôse
an X, les exploitants du Gosson, n'en transigèrent pas moins avec les arèniers
de Blavier, auxquels ils payèrent six mille francs pour arrérages
et auxquelles ils s'obligèrent de payer à l'avenir le cens d'arène,
tant pour la houillère du Gosson, que pour celle de Lagasse, qu'ils rétablirent
en après. Mr. le procureur général Leclercq, avait fait alors,
comme avocat plaidant, un mémoire très lumineux, pour démontrer
que les arènes devaient être réparées et entretenues
par les exploitants. Aussi, il y a tout lieu de croire que ce mémoire,
dessillant les yeux aux exploitants, aura déterminer la transaction dont
il s'agit. Quoiqu'il en soit, les exploitants n'en recoururent pas moins en 1816,
au Gouvernement actuel et étayèrent encore ce recours sur l'Arrêt
du 9 pluviôse an X. Le Gouvernement nomma une commission de cinq membres,
auxquels furent renvoyés les pièces et l'examen des questions ci-après
posées :
1° Quelle a été l'origine des arènes
et de leur cens ?
2° Quels sont les droits et les obligations de ceux qui
s'en disent propriétaires ?
3° Quelles sont les servitudes des exploitations
de mines à leur égard ?
4° Quels sont les droits de la ville
de Liége, relativement à l'alimentation de ses eaux et fontaines
?
5° Et enfin, quels sont les dommages causés aux arènes
? Leurs auteurs, le moyens de les faire réparer et par qui ?
Sur cette dernière question, et nonobstant la coutume, la jurisprudence, les jugemens et les contrats qui prouvaient le contraire, la commission décida unanimement, à l'exception d'une voix, que la réparation et l'entretien des arènes, était à la charge des arèniers. La commission ne pouvait qu'instruire et non décider, son avis a dû nécessairement produire l'effet contraire, qu'on en espérait. Si la commission eût été d'avis que c'eût été, non aux arèniers, mais bien aux exploitants, d'entretenir et de réparer les arènes, alors, il est très-vraissemblable que le Gouvernement, pour prévenir toutes discussions et procédures ultérieures, et après avoir mûrement examiné et décidé la question, eût prescrit aux exploitants, dans les actes des concessions, d'entretenir et réparer les arènes. Mais la commission ayant pensé le contraire, faut-il s'étonner que le gouvernement aie gardé le silence, et que leurs vives sollicitations aient eu pour résultat la décision royale du 16 mars 1827 qui rejette leur requête, laquelle tendait à être dispensés de payer le cens d'arène. Cette demande, faut-il en convenir, était bien singulière. Que dirait-on d'un particulier, qui, ayant été condamné en dernier ressort, se pourvoirait au Gouvernement, pour être dispensé de payer ce qu'il doit ?
§
V. UTILITÉ DES ARÈNES AUX POMPES À VAPEUR.
Après
ce qui a été dit au Chapitre 1er., Sect. 5, il me reste peu de choses
à ajouter pour démontrer que les arènes sont non-seulement
utiles mais nécessaires, très-nécessaires aux pompes à
vapeur. Il y a précisement un siècle que les pompes à vapeur
furent introduites dans les exploitations de mines de houille du pays de Liége
: Alors il en fut établi quatre. Comment s'est-il donc fait qu'aucun exploitant,
si ce n'est quelques exploitants modernes, ne se soient avisé dans un intervalle
séculaire, d'opposer dans leur intérêt privé, l'inutilité
des arènes ? La réponse se trouverait-elle dans une différence
à établir entre les anciens exploitants et le plus grand nombre
d'exploitants modernes ? Serait-ce parce que les premiers étaient des gens
de métier, tandis que le plus grand nombre de derniers, sans connaissance
aucune de l'art de mineur, ne voient dans les exploitations qu'une entreprise
plus ou moins luvrative ?
Cependant, dans leurs moyens hostiles contre les arèniers, des exploitants ont fait valoir, les uns que les pompes à vapeur ont paralysé les bénéfices des arènes, les autres ont prétexté qu'ils versaient au jour les eaux de leurs ouvrages. Ce qui se passe sous nos yeux, ce qui se passe en Angleterre, prouve que les premiers ont tort, puisque les arènes sont encore aujourd'hui ce qu'elles étaient il y a plusieurs siècles, ce qu'elles furent à leur origine même. Aujourd'hui comme alors, elles présentaient, soit dans les ouvrages souterrains, soit dans l'orifice des bures, le même niveau d'eau : s'il arrivait que ce niveau fût aujourd'hui inférieur, où se trouvât exhaussé en quelque partie, les exploitants seuls auraient pu commettre l'abattement ou élever l'obstacle. Mais diront les exploitants : si les arènes reçoivent et déchargent les eaux qui viennent de la superficie et si le sein de la terre n'en contient pas, quel pourrait être le motif d'élever à si grand frais des pompes à vapeur ? Déjà cette question a été résolue au tit. Ier §5.
J'y ajouterai cette réponse que les arèniers peuvent aussi faire de leur côté. Pourquoi vous et vos auteurs, que rarement vous représentez par succession, mais dont vous avez, avec tant de soins et à titres plus ou moins onéreux, acquis les droits, lieux places et degrés, pourquoi dis-je, pour avoir des titres à la succession, que vous avez obtenue ou que vous sollicitez avec tant d'instances, avez-vous commencé par exploiter les veines les plus rapprochées de la superficie ? Que les exploitants primitifs aient attaqué ces veines parce qu'ils n'en connaissaient peut-être pas d'inférieures, que ceux qui leur ont succédé, bien qu'aidés des arènes, aient suivi les travaux dans les couches attaquées, cela peut se concevoir, l'art d'exploiter était dans son enfance : mais que vous ayez continué de porter vos travaux sur les couches supérieures, que vous ayez fait pis encore en rappelant les piliers et les massifs, rappel qui ne peut, qui ne doit avoir lieu que lorsqu'une exploitation, parvenue à la plus grande profondeur possible, se trouve totalement épuisée et est conséquemment arrivée à son terme, voilà ce qu'il serait difficile de résoudre dans l'intérêt de la société, on ne le résolverait pas dans le vôtre si le besoin de jouir ne vous eût fait sacrifier les ressources de l'avenir. À l'époque de l'établissement des pompes à vapeur, et il en était temps encore, si au lieu d'attaquer les mines les plus proches de la mer d'eau, si vous-même depuis 30 à 40 ans, eussiez employé les moyens pour atteindre les couches à plus grande profondeur possible, vous n'auriez point à redouter ces mares d'eau considérables qui se sont formées dans les vides de vos travaux et qui, sous les pieds, sur la tête du malheureux mineur, menace de l'engloutir à chaque instant. Soit qu'elles aient échappé par leur affluence à la décharge que présentait l'arène, soit qu'elles soient tombées d'aplomb par les anciens bures, soit qu'avant la construction des arènes, elles eussent déjà occupé des vides inférieurs à leur niveau, ce sont ces eaux que les pompes à vapeur doivent faire remonter au niveau de l'arène et que sans le secours, de celles-ci, vous devriez remonter au jour, ce sont ces eaux qui, accumulées par des travaux irréguliers et parfois clandestins, ont causé la mort à tant de mineurs et qui ont amené des catastrophes semblables à celle de Beaujonc.
CHAPITRE
IV.
De la cour des Voir-Jurés.
PARAGRAPHE
UNIQUE.
ANCIENNE ADMINISTRATION DU CHARBONNAGE ET DES EAUX.
Avant de terminer cet opuscule, je crois devoir consacrer quelques lignes à la cour des Voir-Jurés dont il a été si fréquemment fait mention. L'institution de la cour des Voir-Jurés dans la principauté de Liége, est antérieure à l'an 1355 : composée de quatre membres, le nombre fut porté à sept, en l'an 1487. Les Voirs-Jurés étaient choisis parmis les mineurs de profession les plus judicieux et les plus expérimentés. À cet effet ils devaient subir un examen tant sur l'art d'exploiter, sur le gissement et la disposition des couches, sur les limites des anciens travaux, les lieux où se trouvaient les massifs séparatoires, le cours et le district des arènes que sur la jurisprudence, les usages et Coutumes de houillère. Placés, sous la juridiction et l'autorité du tribunal des Échevins de Liége, ils connaissaient en premier ressort, de toutes les causes agitées en matière de mines, ils exerçaient en outre une surveillance active, continuelle et immédiate sur toutes les exploitations, et faisaient exécuter les Coutumes et Règlemens de houillère.
Ils dirigeaient les travaux, traçaient aux exploitants les plans, les directions qu'ils devaient suivre, les points dont ils devaient s'éloigner, ils autorisaient les travaux avantageux à la chose publique et interdisaient, sous la sanction des Échevins, ceux qui s'exécutaient au mépris des ordonnances. Enfin les Voir-Jurés exerçaient , sous leur responsabilité personnelle, une surveillance toute spéciale sur les arènes et particulièrement sur les arènes franches.
Les Voir-Jurés ne pouvaient avoir aucun intérêt dans les exploitations. Tous les quinze jours, ils devaient descendre dans les grandes exploitations et tous les semestres dans les petites, afin de reconnaître les ouvrages, d'en dresser l'état de situation et d'avancement dans l'intérêt des ayant droit. Leurs vacations étaient fixées : ils recevaient quinze flo. bb. Liége (8 fl. 40 cens) pour visiter les exploitations établies sur le cours ou à proximité des arènes franches, pareille somme pour les autres, et environ 4 fls. 50 cens, lorsqu'ils procédaient à la requête d'une partie intéressée. Dans ce dernier cas ils étaient défrayés, dans l'autre, les exploitants devaient supporter les frais. Au milieu du dernier siècle, la cour des Voir-Jurés avaient déjà beaucoup perdu de sa considération et même de son autorité, indépendamment que les membres qui la composèrent, ne réunirent plus ni les connaissances ni l'expérience de leurs prédécesseurs, c'est que des Échevins, sous l'autorité desquels ils exerçaient, eurent des intérêts dans les exploitations. Dès lors loin d'être protégés dans leurs fonctions, les Voir-Jurés se virent enlever une portion de leur autorité. Les Échevins de Liége se saisirent en instance de toutes les contestations sur lesquelles les Voir-Jurés devaient prononcer en premier ressort, de sorte que dans les derniers temps, les Voir-Jurés n'exerçaient que comme inspecteurs et experts jurés. Néanmoins, quelques réduites que fussent leurs attributions,ils ne continuaient pas moins à exercer une surveillance plus ou moins salutaire qui mettait l'autorité publique constamment à portée de suivre les exploitants dans leurs travaux, de punir les infractions et d'assurer l'exécution des mesures que commandaient les intérêts publics et privés.
Alors que la cour des Voir-Jurés exerçaient son autorité dans toute sa plénitude, ses records, ses interprétations, ses décisions avaient la même force que la loi dont elle était constituée l'unique interprète de l'art. 21 de la Paix de St-Jacques. Dans le duché de Limbourg, il existait une chambre, dite Tonlieux, qui dirigeait aussi les exploitations des mines de houille, et jugeait les contestations qui intervenaient entre les propriétaires, les arèniers et les exploitants. Cette cour avait en outre dans ses attributions la voirie rurale.
La nécessité d'avoir des juridictions spéciales, en matière d'exploitation, était donc reconnue de toute part : car les intérêts des arèniers, des exploitants, des propriétaires fonciers et terrageurs, s'entrechoquaient journellement. Pour prononcer avec connaissance de cause, et surtout impartialité, il fallait, non-seulement avoir fait une étude et une expérience particulière de la matière, mais jouir d'une indépendance absolue.
Les fonctions des Voir-Jurés étaient en partie administratives et en partie judiciaires : elles ne présentent aucune analogie avec les attributions modernes des ingénieurs des mines, et moins encore avec celles du conseil des mines du régime français. Quant à ce conseil, je partage bien l'opinion émise en 1809, dans une correspondance particulière, opinion que je rends ici textuellement. "Le conseil des mines qui n'a d'autre but que de favoriser les exploitants, avait d'abord proposé au ministre de l'intérieur, de faire évoquer au conseil d'état, toutes les causes entre les arèniers et les exploitants, afin de traiter la question administrativement et de dépouiller les tribunaux du pays qu'ils trouvait trop favorables aux arèniers. Le ministre a pensé que ce serait violer les Lois de la propriété, que d'interdire aux arèniers la faculté de se défendre devant les tribunaux naturels, et il a rejeté la pétition du conseil des mines. Celui-ci travaille à préparer une nouvelle législation qui n'est pas encore prête. Il convient de la justice de payer les propriétaires des arènes entretenues et utiles, voilà le mot du conseil des mines. Les Voir-Jurés n'ont jamais connu cette manière de s'identifier avec les exploitants, et bien qu'ils fussent tirés du rang de ceux-ci, il faut leur rendre cette justice, jamais ils n'ont fait le sacrifice de leurs devoirs à l'esprit de corps.
La France, les Pays-Bas,
le Limbourg, où les mines appartenaient au Souverain, ont recouru aux lumières
et à l'expérience de la cour des Voir-Jurés : les tribunaux
du pays, dans toutes les questions de faits concernant l'exploitation des mines,
prenaient l'avis de cette cour. Par un Record de l'an 1643, les échevins
de Liége déclarèrent que toutes les questions, relatives
aux mines et cours des eaux souterraines, étaient du ressort de cette cour.
Alors que, par suite de nouvelles concessions, les exploitants seront contenus
dans leurs limites respectives, alors, qu'au moyen de la redevance réglée
à raison de l'hectare, les propriétaires des mines seront mis hors
cause, pour ne pas dire hors d'intérêt, le contentieux des mines
deviendra un champ, d'autant plus aride que les exploitants auront peu de motifs
de se faire la guerre. Puissent ces considérations les porter à
ne point tourner les armes contre les arèniers et les déterminer,
franchement et loyalement, à reconnaître la nécessité
des arènes et la justice de payer le cens aux ayant droit.