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Les areines de Liège - Les voir-jurés

NOTE SUR LA COUR DES VOIR-JURÉS DU CHARBONNAGE, PAR M. BIDAUT, INSPECTEUR GÉNÉRAL DE L'AGRICULTURE ET DES CHEMINS VICINAUX.

L'exploitation des mines de houille, dans l'ancienne principauté de Liége, date d'un temps très reculé : la tradition la fait remonter à l'an 1198. Je pense avoir démontré (Études minérales, mines de houille de l'arrondissement de Charleroi, p. 14), qu'elle doit avoir pris naissance à une époque bien plus ancienne. Quoiqu'il en soit, cette exploitation était réglée par des dispositions spéciales. Elles sont contenues dans la
paix (*) de Waroux, qui remonte au 12 octobre 1553, dans le règlement de Heinsberg du 15 juillet 1424, et spécialement dans la paix de Saint-Jacques qui date du 5 avril 1487.

Une institution également spéciale avait pour mission de veiller à l'exécution des usages, des coutumes et des paix relatifs aux houillères. Elle portait le nom de " Cour des voir-jurés du charbonnage " et répondait aux institutions actuelles connues sous le nom de Corps des ingénieurs des mines et de Conseil des mines. Malgré son nom restrictif, sa juridiction s'étendait sur les mines de toutes natures. L'époque de sa création est inconnue et de beaucoup antérieure à l'an 1555.

(*) On nommait paix dans l'ancienne principauté de Liège les statuts, ordonnances, règlements, faits par le prince, les députés du peuple, etc, et portant restriction ou addition aux usages et coutumes, ou seulement, interprétation des uns et des autres, en quelque matière que ce fût. Ces paix portaient, en général le nom du lieu où elles avaient été signées. On en a la preuve par l'art, 32 de la paix de Waroux (1355) qui dit : Item que des huilliers soit ainsi useit que les jurez de chierbonnaige en ont useit anc mennement et selon ce que ly esquevins caulvent et wardent, toujours pour amendement.

Ses attributions sont déterminées dans la paix de Saint-Jacques, art. 12-24. Sa composition est fixée dans la même paix (art. 15) : elle porte à sept le nombre des voir-jurés qui primitivement était de quatre. Ils étaient nommés par le tribunal des échevins et prêtaient un serment avant d'entrer en fonctions. Leur admission était subordonnée au résultat d'un examen. Une copie de lu teneur de l'un de ces examens a été trouvée dans les archives du 5ème district des mines à Liége. Ce document a paru assez curieux, sous le rapport historique pour mériter d'être inséré dans les Annales des travaux publics (voir l'annexe ci-après). On verra que cet examen porte entièrement sur des faits locaux. Leur connaissance, à une époque où l'art de l'épuisement des eaux à l'aide de machines était à peine dans l'enfance, avait une extrême importance pour les voir-jurés chargés de pourvoir à ce que rien ne vînt entraver l'exploitation des houillères et de veiller à la conservation des eaux alimentaires de la cité qui l'avaient fournies par les franches areines. On exigeait en outre de ces fonctionnaires, pour être admis à l'examen, la connaissance de l'art du levé des plans.

C'est par les soins de ces voir-jurés qu'ont été construits on conservés, jusqu'à l'époque de la conquête française, de difficiles et importants ouvrages dont les bons effets se font encore, pour quelques-uns, ressentir en partie aujourd'hui.

Bruxelles, 51 janvier 1857.

Annexe.

Le 23 mai 1773, a été nommé le sieur Gérard Ledent, membre de la Cour de charbonnage du pays de Liége. Voici les solutions qui lui ont été données et les réponses qu'il a faites.

Demande. - Êtes-vous réellement bouilleur de profession, et y a-t-il longtemps que vous travaillez en cette qualité ?
Réponse. - Oui, depuis nombre d'années, je travaille en cette qualité dite de bouilleur.
D. - Avez-vous la hardiesse de descendre et d'avaller dans les bures où il faudrait faire la visite ?
R. - Oui, messeigneurs.
D. - N'y a-t-il point de serres entre les franches areines et les bâtardes ?
R. - Si, messeigneurs.
D. - A savoir où elles sont ?
R. - II doit y en avoir une à Saint-Nicolas, gardant l'areine de la Cité, passant assez près la fosse de Gordène.
D. -N'y a-t-il point encore d'autres ?
R. - Si, il doit encore en avoir une vers le lieu au beau Crucifix (allant à la chaussée), faisant séparation de l'areine de la Cité et de celle du Val Saint-Lambert.
D. - N'y en a-t-il point encore d'autres ?
R. - Si, il doit encore y en avoir une à Grâce, faisant séparation de l'areine Blavier dite Goubier et de celle del Val Saint-Lambert.
D. - N'y en a-t-il point encore d'autres ?
R. - Si, il y en a encore une entre Ans et Xhorémont, séparant l'areine du Val Saint-Lambert, arrière celle de Richon-Fontaine.
D. - Combien y a-t-il de franches areines ?
R. - II y en a quatre, savoir : L'areine de la Cité, l'areine de Richon-Fontaine, l'areine Messire Louis-Doufest et l'areine del Val Saint-Lambert.
D. - L'areine del Val Saint-Lambert est-elle encore existante ?
R. - Non, parce qu'elle a été abattue sur l'areine de la Cité, par enseignement donné par messeigneurs les échevins.
D. - Combien a de branches l'areine du Val Saint-Lambert ?
R. - Trois, une tirant vers la chaussée de Montegnée, l'autre vers Ans et une vers Xhorémont.
D. - L'areine Richon-Fontaine, où a-t-elle son oil ?
R. - Hors Château, et elle domine vers Sainte-Walburge et environs.
D. - L'areine Richon-Fontaine, combien a-t-elle de branches ?
R. - Trois : la première vers Votem, la seconde vers les Brassines, et la troisième vers Ans.
D. - Les trois autres franches areines pourraient-elles faire préjudice à celles de Richon-Fontaine ?
R. - Non, parce qu'elle est plus basse.
D. - N'y a-t-il pas encore quelque bâtarde areine qui la pourrait abattre?
R. - L'on tient que non pour le présent.
D. - L'areine de Richon-Fontaine ferait-elle bien préjudice aux trois autres franches areines ?
R. - On dit que oui, à celle du Val Saint-Lambert, et celle de Messire Louis-Doufest ; mais pour le faire à celle de Messire Louis, il faudrait passer la grande faille de Faux-Compir et de Sainte-Walburge, et, pour faire préjudice à celle du Val Saint-Lambert, ce serait en travaillant vers Ans.
D. - L'areine de la Cité, où a-t-elle son oil ?
R.-A Saint-Séverin, au bassin, et elle conduit par des tuyaux au marché de Liége et fournit les eaux aux fontaines.
D. - L'areine de la Cité, combien a-t-elle de branches ?
R- - Trois, une tirant vers Saint-Laurent, la seconde vers Saint-Nicolas, la troisième vers la chaussée de Liège, et la quatrième au lieu qu'on appelle la Pomtrie, où l'on a ôté la branche délie Haxhe et la branche Chevron ou Doufflo.
D. - N'y a-t-il pas quelques bâtardes areines qui pourraient faire préjudice aux franches areines ?
R. - Si, principalement à celle de Gerson-Fontaine.
D. - Pourquoi ?
R. - Parce qu'elle est plus basse.
R. - N'y a-t-il pas encore quelques bâtardes areines qui pourraient faire préjudice aux franches areines ?
R. - Si, l'areine Trina, à Montegnée, et l'areine Blavier ou Gautier, du côté de Grâce.
D. - L'areine Messire Louis-Doufest, où a-t-elle son oil ?
R. - Dans les encloîtres de Saint-Lambert, passant vers Saint-Servais, et sous l'abbaye de Sainte-Claire, en royal, tirant à Hoche-Porte et Hovémont, et Faux-Compir et environs.
D. - N'y a-t-il pas encore quelques bâtardes areines qui pourraient faire préjudice aux franches areines?
R. - Si, l'areine Faloisse et Borest à Montegnée.
D. - Est-on obligé de garder aux bâtardes areines ?
R. - Oui, parce qu'elles sont plus basses.
D. - Où est-ce que l'areine de la Cité-Franche se tient ?
R. - Au Bur aux Femmes, près de la campagne de Saint- Nicolas ; et comme le Bur aux Femmes a communication avec le Bur del Cane et le Bur del Cave avec celui de Bouni, et ce dernier avec le Rouge-Terris et le Bur de Rouge-Terris avec celui del Paix, c'est pourquoi il me semble que nous avons droit d'aller au Bur Woisinage, qui dépend de l'areine Falloise et Borest et de l'areine de Gerson Fontaine, bâtardes areines.

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